Actualités - Vingt-neuf mineurs noyés au charbonnage de la Grande Bacnure en 1865 (Liège)

Mis à jour le 9 novembre 2017
En 1865, à Bernalmont-Vottem, coup d’eau à la Grande Bacnure : vingt-neuf victimes

par Walthère Franssen,

 

Une terrible catastrophe

Le jeudi 15 juin 1865, à 1h30 de relevée, donc au début de l’après-midi(1), l’eau envahit les tailles et les galeries de l’étage inférieur, situé à moins 220 mètres(2), de la houillère Gérard-Cloes de la Société charbonnière de la Grande Bacnure(3). Les vingt-neuf mineurs occupés à déhouiller la “Grande Veine“, aussi dénommée “des Cinq pieds“, périssent tous. La plupart, surpris par l’arrivée soudaine et massive des eaux(4), meurent noyés sur le lieu même de leur travail et d’autres quelques mètres plus loin en tentant vainement de fuir la montée des eaux. Quelques-uns, occupés dans ce même chantier dans des endroits peu ou pas concernés par la montée des eaux, meurent asphyxiés. Asphyxie attribuée aux gaz méphitiques, dont de l’hydrogène sulfuré, accompagnant l’arrivée des eaux, disent les relations des évènements(5). L’eau et les gaz proviennent des vides laissés près du chantier par une ancienne exploitation charbonnière. Au moment de la catastrophe, 164 ouvriers sont occupés au fond de la mine, dont 29 mineurs à la Grande Veine. Les 135 autres qui travaillent en dehors de cette couche remontent sains et saufs, tandis que les secours s‘organisent en vain. Les premiers sauveteurs, dont le chef porion André, arrivent assez rapidement à proximité du chantier. Ils trouvent, parmi les premiers cadavres, une jeune ouvrière, âgée de 15 ans, prise d’asphyxie et délirant. Elle aurait pu être la seule survivante mais lorsque le chef porion la couche en attente des médecins Otte(6) et Charlier appelés sur les lieux, elle prononce encore quelques mots, appelant son père, et décède. Son corps est alors déposé dans une salle du charbonnage parmi les premières victimes remontées du fond. Dans cette morgue improvisée, il y avait au lendemain de la catastrophe “treize cadavres gisant étendus sur de la paille ! D’un côté, sept hommes ; de l’autre, six jeunes filles de 15 à 20 ans !(7).

 

Une foule de gens éplorés et en colère

Dès l’annonce de la catastrophe, une foule de gens, parents et voisinage, accourent sur les lieux. Des scènes déchirantes se déroulent devant les grilles du charbonnage, “un père redemande ses enfants, des enfants demandent leur père, leurs frères et sœurs(8) et parmi ces gens “des frères, des cousins qui étaient houilleurs avaient bu goutte sur goutte de chagrin et voulaient descendre dans la bure pour être assurés de leurs propres yeux qu’il n’y avait réellement rien à faire pour porter secours aux victimes(9). La direction du charbonnage fait appel “en toute hâte(10) à la police et à la gendarmerie pour, en vain, “faire régner l’ordre parfait(11) à l’entrée et sur la paire du charbonnage. Car cette foule était non seulement éplorée mais aussi en colère, note un témoin(12) qui en donne deux raisons. La première est que des ouvriers du charbonnage attribuent la responsabilité de la catastrophe au directeur-gérant de la houillère(13). Celui-ci, dit-on, “pour économiser les 3 francs par jour qu'il payait à un foreur, ne faisait plus procéder aux sondages réglementaires(14). En réalité, le charbonnage avait 4 ouvriers sondeurs, rémunérés à 3,25 frs par jour(15), qui procédaient aux sondages, non pas dans tous les chantiers d’abattage comme il aurait été nécessaire(16), mais seulement dans les chantiers où les risques de rencontre d’anciens travaux étaient connus par les plans de la mine. Le chantier d’abattage de l’importante Grande Veine n’était pas sondé car considéré comme éloigné d’anciens travaux. Cette façon restrictive de faire était admise par l’Administration des Mines(17) dont l’ingénieur, lors de sa visite à Gérard-Cloes le 10 juin 1865, 4 jours avant la catastrophe, note dans son rapport : “les travaux se poursuivent sans inconvénient entourés des précautions de sondage que nécessite la présence connue des travaux antérieurs pouvant contenir de l’eau(18). Alors que les rapports des visites faites après le coup d’eau précisent “J’ai engagé la Direction à ce que les sondages précèdent l’avancement de toutes les tailles(19). Ces sondages effectués à mesure qu’on prenait la veine étaient effectués à l’aide d’une longue tarière de façon à vérifier, et si nécessaire à maitriser, la présence d’eau dans les vides laissés par d’anciens travaux. Ils étaient règlementaires depuis le 3 janvier 1813, date du décret impérial concernant la police des mines pris notamment après le coup d’eau du 28 février 1812 à la houillère de Beaujonc(20). Les ingénieurs de l’Administration des Mines, dont M. Rucloux, ingénieur principal du 5ème district, et M. Geenaert, ingénieur en chef, ainsi que M. Trasenter, professeur à l’Ecole des mines, appelés à Gérard-Cloes le jour même, confirment dès le lendemain de la catastrophe que les eaux provenaient des vides laissés par l’ancien bur des Bayards. Vides proches des travaux(21), dont la présence à cet endroit était, fut-il dit, ignorée de la direction de Gérard-Cloes, alors qu’elle avait, elle-même, exploité le bure des Bayards en 1827.
Le second motif de révolte, écrit le témoin en 1865, est que “la Société Internationale des Travailleurs, établie partout en Europe, prêchait “. En fait, il est fort probable que les idées véhiculées par l’Association Internationale des Travailleurs, créée en 1864, et les premières associations socialistes qui l’avaient précédée, se répandaient dans le bassin minier liégeois. Peu après, en 1868, il y avait, dans le quartier d’ouvriers mineurs de La Préalle, une des 42 sections belges de l'A.I.T.  A l’aube du socialisme et du syndicalisme, ces sections, foyers de propagande et de formation à la résistance et à la lutte ouvrière, contribuent à créer chez les ouvriers une conscience de classe(22).

 

Le registre des victimes

Suite à la catastrophe, le charbonnage ouvre un registre(23), où il note les noms et prénoms des victimes, les dates auxquelles leurs corps sont remontés au jour, les lieux et la nature de leurs funérailles, les montants des quinzaines qu’elles recevaient du charbonnage, leurs situations de famille et les montants des pensions et secours que leurs familles reçoivent.
Trois victimes sont domiciliées à Liège, 15 à Herstal et 11 à Vottem. Parmi les victimes on compte 15 hommes et 14 femmes. Quinze hommes âgés de 17 à 64 ans avec une moyenne d’âge de 39 ans. Parmi ces 15 hommes, 9 sont mariés et pères de famille. Quatorze femmes âgées de 15 à 28 ans à l’exception d’une seule âgée de 42 ans. La moyenne d’âge des femmes est de 22 ans. Parmi ces 14 femmes, 12 sont célibataires, 1 est mariée et mère de famille et 1 vivait en concubinage. 
Vingt-quatre des 29 victimes étaient “prolétaires“ c’est-à-dire qu’elles et leurs familles vivaient exclusivement des revenus de leur travail, “de leurs mains“ disent les rapports, et qu’elles ne possédaient rien, étant locataire de la (souvent petite) maison qu’elles occupaient. Cinq autres victimes étaient, elles et leurs familles, propriétaires de leur logement, bien qu’en cours de payement pour 2 d’entre-elles, tandis qu’une autre possédait en outre un terrain, et une autre 1 terrain et 4 petites maisons qu’elle donnait en location.
Les corps des victimes sont retirés du fond le jour même de la catastrophe pour 12 d’entre elles et les jours suivants pour les autres. Les derniers corps, extraits des eaux boueuses(24) qui avaient envahi le fond, sont remontés à la surface le 4 juillet, soit 19 jours après la catastrophe.
Le charbonnage prend à sa charge les dépenses funéraires des 29 victimes, et, au moins pour 26 d’entre elles, fait annoncer publiquement le décès et célébrer des obsèques religieuses. Les familles des 29 victimes reçoivent du charbonnage la quinzaine du 15 au 30 juin, qui leur sera payée au taux gagné par chacune des victimes la quinzaine(25) précédant la catastrophe. De même pour les 2 quinzaines de juillet. Le charbonnage a ainsi payé, à l’ensemble des familles des 29 victimes, 3 quinzaines à 550 frs, soit 1650 frs.

 

La Caisse de Prévoyance pour ouvriers houilleurs

Cette catastrophe créa dans la région et au-delà beaucoup d’émotion et de solidarité avec les victimes et leurs familles. Le dimanche suivant la catastrophe, c’était la fête paroissiale à Vottem “qui fut morne et sans entrain“ et, lorsqu’à la messe le curé Schevenels recommanda de prier “pour les âmes des malheureuses victimes“, des personnes pleuraient dans l’assistance(26).
A partir du 1er août 1865, 9 veuves, 12 enfants de moins de 12 ans, 2 orphelins de moins de 15 ans, 2 mamans et 1 sœur, soit les ayants droit à charge de 13 victimes, reçoivent une pension de la Caisse de Prévoyance(27). Par la suite 2 enfants sont ajoutés à cette liste initiale. Le titre d’octroi de ces pensions décidées après examen de la situation de famille des 29 victimes par les instances de la Caisse de Prévoyance de la Province de Liège est signé par “Braconnier“ et par “D’Andrimont“, noms de deux dirigeants et actionnaires de charbonnages, notamment des Sociétés Grande et Petite Bacnure pour le premier et du Hasard pour le second. La première Caisse de Prévoyance (C.P.) pour ouvriers houilleurs avait été instituée en 1813, à l’époque du département de l’Ourthe, par les autorités françaises en réponse aux catastrophes survenues en 1812, qui firent 68 victimes au Horloz et 22 victimes à Beaujonc. Les statuts de la C.P. de Liège furent réactualisés en 1837(28). Ils accordaient des pensions viagères ou temporaires aux familles des victimes d’accidents miniers, et aux victimes mutilées incapables de travailler. La C.P. était alors alimentée par les retenues de 0,5 % sur les salaires des ouvriers, augmentées d’une subvention égale versée par les exploitants en plus des dotations et subsides accordés par le Gouvernement. Le montant initial des pensions de la C.P. accordées aux ayants droit est de 5 ou 6 frs par quinzaine pour les adultes, de 2 frs pour les enfants et de 4 frs pour les orphelins. Les montants perçus par les bénéficiaires sont, dès 1866, de 6, 7, 2,25 et 4,35 frs. Le nombre de bénéficiaires d’une pension de la C.P. a progressivement diminué au fil des années. D’abord lorsque les enfants atteignent l’âge de 12 ans, ou de 15 ans pour les orphelins, ou suite au décès ou à la perte de droits pour les veuves et autres bénéficiaires. La C.P a ainsi payé des pensions aux ayants droit des victimes jusqu’au 6 octobre 1918, date du décès du dernier bénéficiaire.

 

La Charité publique 

Pour chacune des familles des victimes, la pension de la Caisse de Prévoyance est complétée par un supplément d’un fonds dénommé “de la Charité publique(29). Les familles des 16 autres victimes “n’entrant pas dans les conditions pour l’obtention d’une pension de la Caisse de Prévoyance“ sont secourues exclusivement par le fonds de la Charité publique. Les secours dits de la Charité publique consistent en la distribution des 80.209,94 frs récoltés les jours et les semaines suivant la catastrophe et déposés à la banque Nagelmakers et fils à Liège. Ce montant est le résultat des listes de souscriptions ouvertes dans les journaux liégeois dès le surlendemain de la catastrophe en faveur des familles des victimes, ainsi que des recettes des concerts et représentations organisés par de nombreuses sociétés. La Musique de la Garde civique donne, le 21 juin, un concert payant (1 fr d’entrée) au kiosque de la Sauvenière, d’où un versement de 500 frs au profit “des veuves et orphelins de la catastrophe de Gerard-Cloes“. Parmi les donateurs, “le roi Léopold I envoya une somme de 1000 frs et le fils ainé du Roi, le duc de Brabant, 2.000 frs(30). Les donateurs dont les noms et les montants versés sont publiés dans les journaux(31) sont en majorité, à en juger par leurs noms et titres : des bourgeois, des notables, des chefs d’entreprise, dont les versements sont de 500 à 2.000 frs. Dans la liste de ces généreux donateurs, on trouve les membres de la famille Braconnier, actionnaires à la Grande Bacnure et M. Lepourcq, directeur-gérant à Gérard-Cloes. En nombre moindre, il y a aussi des donateurs plus modestes. Ainsi les ouvriers mineurs de la houillère de la Chartreuse et Violette versent 100 frs, une collecte organisée de porte à porte à Vottem par des paroissiens rapporte 181 frs, et la souscription ouverte à la population par le Conseil communal de Vottem rapporte 200 frs(32). Les fonds déposés à la banque sont porteurs d’un intérêt annuel de 3,5 %.
Le fonds dit de la Charité publique, repris sous l’appellation “Caisse de Bienfaisance“ à partir de 1886, a pourvu aux besoins de quasi toutes les familles des 29 victimes sous forme de payements par quinzaine. Ce fonds est géré sous la surveillance du trésorier de la Caisse de Prévoyance. Des 80.209,94 frs récoltés en 1865, il restait encore 26.846,60 frs à distribuer en 1878 et 5.444,35 frs en 1897. A noter : l’importance de ce fonds dans la somme totale des 119.409,20 frs distribués en secours et pensions. Avant la catastrophe, chaque quinzaine, l’ensemble des 29 victimes gagnait 550 frs, après la catastrophe le total des secours et pensions distribués aux familles des 29 victimes est, d’août à décembre 1865, de 525 frs, par quinzaine, constitués de 110,50 frs des pensions de la Caisse de Prévoyance plus 414,50 frs de secours provenant du fonds de la Charité Publique. Le montant des secours accordé à chaque victime n’étant pas un montant fixe est revu à plusieurs reprises, soit diminué soit quelques fois augmenté. Ainsi les deux révisions des montants en 1869 et en 1882 ont eu comme conséquence que les secours de certains bénéficiaires ont été diminués de la moitié, voire du trois-quarts, tandis que d’autres bénéficiaires se voyaient attribuer un supplément suite à une aggravation de leur dépendance en raison de leur âge ou de leur infirmité. Quant au montant total des secours distribués par quinzaine, il diminua d’année en année en proportion de la diminution du nombre des bénéficiaires dont le dernier décéda en 1918, soit 53 ans après la catastrophe du 15 juin 1865.

 

Les journaux liégeois

Dès le lendemain de “l’épouvantable catastrophe“, les journaux liégeois relatent l’évènement. 
- Le quotidien “La Meuse“, proche des patrons d’entreprises, après une relation officielle des faits et la publication de la liste des victimes, en appelle à “la bienfaisance publique (qui) allégera les misères(33). De fait, dès le 18 juin, les seuls échos de la catastrophe repris dans le quotidien sont les listes nominatives des donateurs, dont la générosité est ainsi rendue publique.
- “Le Journal de Liège“, d’opinion libérale, en plus de la relation des faits, observe que la catastrophe “a fait naître dans bien des esprits des réflexions dont ils convient de tenir compte“. C’est que le lendemain du coup d’eau, parmi les premiers cadavres remontés du fond, il y a déjà “Six jeunes filles mortes au fond d’une bure, … elles sont là, …elles ne se plaignent ni ne maudissent, et l’on se demande avec stupeur, en les voyant, pourquoi elles se trouvent là ? … est-ce le rôle des femmes de descendre dans ces mines souterraines ?“. La réponse du journal est nette : “le travail des mines ne doit pas être le lot des femmes(34), affirmation que le journal argumente, notamment en citant le philosophe français Jules Simon dont on connaissait l’opposition au travail des femmes dans les usines. Quant à l’interdiction du travail des femmes au fond des charbonnages, elle fut votée en Belgique en 1911(35).
- “La Gazette de Liège“ du 23 juin 1865, en publiant un poème intitulé “La houilleuse“, exprime la crainte continuelle d’une maman dont l’enfant travaille dans la fosse “Mon enfant, cette nuit, j’ai fait un mauvais rêve, la mort était dans l’air, la foule était en deuil… Reste, reste avec moi…(36).

 

Les vingt-neuf victimes

La liste des 29 victimes suit l’ordre de leur remontée au jour. Les funérailles, états civils, familles, professions et salaires des victimes sont repris des registres du charbonnage, ainsi que le montant des rentes reçues par leurs familles. Et pour certaines d’entre-elles, habitant Vottem, quelques commentaires (selon les valeurs morales de l’époque)(37).

Hubertine DISTER, née le 29 avril 1850, avait 15 ans lors de son décès. Son corps est retiré du fond le jour même de la catastrophe le 15 juin 1865 et ses obsèques sont célébrées par le curé de Vottem. Hubertine Dister était célibataire et habitait rue Lombard à Vottem, avec ses parents et ses 5 frères et sœurs. Son père, Jean Dister, avait 49 ans et sa mère, Marguerite Jacquemin, 46 ans. Ses frères et sœurs : Gérard, âgé de 18 ans, est en attente d’être milicien de la classe de 1866 ; Jeanne, 17 ans ; Marie, 13 ans ; Libert, 10 ans et Léonard, 7 ans. Hubertine Dister avait un salaire de 15 frs par quinzaine et sa famille n’avait pas d’autres revenus que celui “du travail de leurs mains“, dit le rapport de 1865. Ses parents reçurent du fonds de la Charité publique un secours de 15 frs par quinzaine ramené à 6 frs en 1869 puis à 4 frs. Secours qui fut payé jusqu’au décès du dernier des deux parents, son père, en 1900.

Jeanne Josèphe HENDRICE, née le 29 juin 1849, allait avoir 16 ans lors de la catastrophe. Son corps est retiré de la fosse le 15 juin et ses obsèques célébrées en l’église de Vottem. Célibataire, fille naturelle de Jeanne Hendricé, elle vivait avec sa mère rue du Thiers à Vottem. Sa mère, qui avait un second enfant naturel âgé de 5 ans, n’avait pas de travail et vivait du salaire de sa fille, qui, en étant traineuse(38) à la houillère, lui apportait 15 frs par quinzaine. Sa mère reçut au titre de secours de la Charité publique 15 frs par quinzaine, diminué à 8 frs en 1869, puis à 4 frs à partir de 1882, avant son décès en octobre 1893.

Elisabeth DEMARTEAU, née en 1848, a 17 ans lorsqu’elle décède, noyée au fond de la mine. Son corps est remonté au jour le 15 juin. Sa mort est publiquement annoncée et des obsèques chantées sont célébrées en l’église Notre-Dame à la Licour Herstal. Célibataire, elle vivait chez ses parents, ainsi que ses 7 frères et sœurs. Son père Herman Demarteau, né en 1820, est houilleur et sa mère Françoise Joly, née en 1820, ménagère. Ses sœurs, Marguerite âgée de 25 ans, et Marie de 21 ans, travaillent toute deux à la houillère. Son frère Théodore, 19 ans, est armurier. Sa sœur Marie-Louise, 15 ans, est sans occupation car “maladive“. Ses frères Herman, Henri et Jean sont âgés de 12, 9 et 6 ans. De la houillère, Elisabeth rapportait à ses parents 15 frs par quinzaine. La famille Demarteau-Joly ne possédait rien et donnait un loyer de 105 frs par an pour la maison qu’elle occupait au 68 B au Tige à Herstal. Ses parents n’étant pas à charge de leur fille ne reçurent aucune pension de la Caisse de Prévoyance. Ils reçurent au titre de secours accordé par la Charité publique 15 frs par quinzaine, qui furent progressivement diminués pour n’être plus que 4 frs par quinzaine en 1900, lors du décès de son père.

Marie Catherine DUPONT, née en 1844, était âgée de 21 ans. Son corps est retiré du fond le 15 juin et ses funérailles célébrées en la nouvelle paroisse de La Préalle créée en 1856. Dans la liste des dépenses liées au décès et aux funérailles prises en charge par le charbonnage, il est noté 5,70 frs de genièvre. Célibataire, Marie Catherine Dupont habitait avec ses parents et son frère Gaspard, âgé de 29 ans, qui est, comme elle, houilleur. Son père Dieudonné Dupont un ancien houilleur né en 1800, et sa mère Marie-Jeanne Colette née en 1802, ménagère, possédaient la maison qu’ils occupaient au n°57 en Haute Préalle à Herstal et qui était grevée d’une rente annuelle de 13 frs. Marie Catherine Dupont avait à la houillère, pour sa profession de chargeur aux tailles, un salaire de 20 frs par quinzaine qu’elle remettait à ses parents dont elle était le soutien. Ses parents reçurent du fonds de la Charité publique un secours de 15 frs par quinzaine, diminué à 10 puis à 8 frs, qui furent payés jusqu’au décès en 1880 de la maman de Marie Catherine devenue veuve de Dieudonné Dupont.

Gilles HANS est âgé de 23 ans et célibataire. Son corps est retiré du fond le 15 juin et pour ses obsèques célébrées à Vottem le curé reçut du charbonnage 27,33 frs. Il avait une sœur : Jeanne Hans qui était mariée à Lambert Lakaye. Gilles Hans, dont le père Jean Hans était décédé, vivait ruelle Ghaye à Vottem avec sa mère, née Marie Taskin. Agée de 64 ans et atteinte de cécité, sa maman vivait exclusivement du salaire de son fils, qui, à la houillère, recevait 25 frs par quinzaine. Elle reçut de la Caisse de Prévoyance une pension de 6 frs par quinzaine. Pension majorée des secours du fonds de la Charité publique pour atteindre 20 frs par quinzaine jusqu’en 1869. Ensuite ce montant fut réduit et à son décès, en janvier 1892, elle recevait sa pension de la Caisse de Prévoyance sans la majoration des secours.

Marie Josèphe DEBRAZ est née le 1 novembre 1841, elle a 24 ans. Son corps est retiré du fond le 15 juin et ses obsèques célébrées en la chapelle de La Préalle. Célibataire, elle vivait chez ses parents avec ses 6 frères et sœurs. Sa famille est une famille de houilleurs. Son père François Debraz, né en 1814, est houilleur et sa mère, Marie Nottet, née également en 1814, est ménagère. La famille comptait 7 enfants : Marie Josèphe était l’ainée, les 3 suivants sont, comme elle, houilleurs : Marie-Catherine qui a 21 ans ; Marie-Louise, 19 ans, travaille à Belle-Vue ; et Théodore, 16 ans, à Gérard-Cloes. Les 3 plus jeunes sont écoliers : Servais 13 ans ; Marie-Agnès 12 ans ; et Anne-Marie 9 ans. Marie Josèphe Debraz avait un salaire de 15 frs par quinzaine. La famille Debraz-Nottet ne possédait rien et tenait en location, au prix de 50 frs l’an, la maison qu’elle occupait au n°40 en Haute Préalle à Herstal. Ses parents reçurent du charbonnage, comme les autres familles, la rémunération prévue pour la seconde quinzaine de juin 1865, ainsi que pour les 2 quinzaines de juillet. Après le 1 août 1865, ils reçurent du fonds de la Charité publique 15 frs par quinzaine jusqu’en 1868, puis 8frs jusqu’en 1882 et ensuite 4 frs jusqu’au décès de François Debraz en 1886, son épouse étant décédée précédemment. 

Nicolas GILLES, né le 6 février 1829, domicilié à Vottem, marié et père de 3 enfants. Son corps est remonté à la surface le 15 juin et enterré le 17 après des obsèques célébrées en l’église de Vottem. Il était le fils de Henri Joseph Gilles et de Marie-Jeanne Wichot, tous deux décédés. Sa veuve, née Marie-Jeanne Francson, est âgée de 33 ans et ses enfants Charles-Joseph, Marie-Anne et Lambert-Joseph de 9, 4 et 2 ans. Au charbonnage, le salaire de Nicolas Gilles était de 35 frs par quinzaine. Sa veuve reçut de la Caisse de Prévoyance, à son nom, une pension de 5 frs par quinzaine, et aux noms de chacun de ses enfants une pension de 2 frs. Pension augmentée des secours de la Charité publique de façon à atteindre 35 frs par quinzaine. Ce montant fut progressivement diminué et n’était plus que de 12 frs lorsqu’en décembre 1886 la veuve perdit ses droits à la pension et aux secours en se remariant.

Nicolas Joseph GUERIN est né le 13/09/1824 et était domicilié au n°3 rue Petites Roches à Liège. Son corps est retiré de la mine le 15 juin et ses obsèques célébrées en l’Eglise Sainte Foi à Liège le 19 juin. Nicolas Joseph Guerin est marié à Jeanne Christophe, ménagère, âgée de 47 ans. Le ménage Guerin-Christophe comptait 7 enfants et 1 petit enfant. Les 3 ainées travaillent à la fabrique : Marie-Anne âgée de 21 ans, mère d’un enfant naturel né le 8 juin 1865 et dénommé Melchior ; Dieudonnée âgée de 15 ans et Marie Alexandrine de 14 ans. Les 4 plus jeunes sont : Marie Joséphine 11 ans ; Nicolas 9 ans ; Barthélémy 6 ans et Elisabeth 2 ans. La veuve Guérin, née Jeanne Christophe, enceinte lors de la mort de son mari, donna naissance à un 8ième enfant : Jean Joseph né le 30 janvier 1866. La Caisse de Prévoyance octroya à la veuve Guérin une pension de 5 frs par quinzaine et pour chacun de ses 4 puis 5 jeunes enfants une pension de 2 frs à valoir jusqu’à l’âge de 12 ans. Elle reçut en complément les secours accordés par la “Charité publique“ de façon à atteindre les 35 frs que gagnait son mari à la houillère. Un an après, le 7 août 1866, la veuve Guerin décède laissant ses enfants orphelins. Les 6 plus jeunes, âgés de moins de 15 ans, reçoivent alors une pension de 4 frs de la Caisse de Prévoyance et sont placés : Marie-Alexandrine et Marie Joséphine chacune dans une famille à Herstal et à Awans ; Nicolas-Gilles et Barthélémy sont placés “aux Orphelins“ ; Elisabeth et Jean-Joseph chez un oncle, Jean Jacques Riga, tailleur de limes, au Thier à Liège. 

Lambert WICH, né le 26 avril 1817 était marié et domicilié au 130 en Bouxthay à Herstal. Son corps est retiré du fond le 15 juin et ses obsèques célébrées par l’abbé Demoulin, le premier curé de La Préalle. Le salaire reçu par Lambert Wich au charbonnage était de 2,30 frs par jour. Sa veuve, née Jeanne Collinet, ménagère âgée de 63 ans, reçut jusqu’à son décès survenu en 1879 une pension de 6,50 frs par quinzaine de la Caisse de Prévoyance, complétée de 13,50 frs de secours de la Charité publique. En 1869 ces 13,50 frs furent réduits à 9 frs.

Jean FRANCO, né le 30 janvier 1817 à Urmond dans le Limbourg néerlandais, était de nationalité hollandaise. Son corps est retiré du fond le 15 juin. Sa mort est publiquement annoncée et ses obsèques célébrées en l’église Notre-Dame à Herstal. Les dépenses liées au décès et aux funérailles, y compris 5 frs au crieur public pour annoncer le décès, 6,50frs au chantre et au sacristain et 9 frs pour le corbillard, ont été prises en charge par le charbonnage. Jean Franco était le fils d’Antoine Franco et d’Anne Bouts, tous deux décédés. Sa veuve, née Marguerite Jacquemart, ménagère, âgée de 61 ans en 1865, était estropiée. Lors de son mariage avec Jean Franco, elle était veuve et avait de son premier mari un enfant Charles Louis Castodot né en 1840 et forgeron de profession. Jean Franco et son épouse Marguerite Jacquemart avaient une fille Elisabeth Franco née en 1845 et également décédée dans la catastrophe. La famille Franco-Jacquemart ne possédait rien et louait la petite maison qu’elle occupait au 58 au Tige à Herstal. Le salaire de Jean Franco était de 20 frs par quinzaine. A partir du 1 août 1865, la veuve Franco reçut par quinzaine 20 frs constitués de 6,50 frs d’une pension octroyée par la Caisse de Prévoyance et de 13,50 frs des secours accordés par la Charité publique.

Henri COLLETTE, né en 1804, marié et père de famille, était domicilié à Herstal au 90 en Basse Préalle. Son corps est retiré du fond le 15 juin et pour ses obsèques célébrées à La Préalle, le curé de la paroisse reçut 30,90 frs. La veuve de Henri Colette, née Marie-Josèphe Olivier, âgée de 47ans, était ménagère. Le ménage avait 2 enfants. L’ainé Henri Colette, armurier de profession, né en 1840 d’un premier mariage de son père, sa maman Marie Cabolet étant décédée. Le second enfant Gaspard est né en 1852. La veuve Colette reçut une pension de la Caisse de Prévoyance de 5 frs par quinzaine, le second fils bien que toujours écolier ne reçut pas de pension car il était âgé de plus de 12 ans, donc en âge de travailler, lors de l’accident de son père. La pension accordée à la veuve fut complétée par les secours du fonds de la Charité publique de façon à atteindre le montant de 20 frs que Henri Collette recevait par quinzaine à la houillère. Toutefois, la veuve Colette perdit son droit à la pension de la Caisse de Prévoyance et aux secours du fonds lorsqu’en décembre 1873 elle “convola en secondes noces(39), dit le rapport.

Marie RADOUX est âgée de 28 ans. Son corps est remonté à la surface le 15 juin et ses obsèques célébrées à Vottem. Célibataire, elle était la fille naturelle d’Anne Radoux, âgée de 69 ans. Marie Radoux vivait rue Vert Vinâve à Vottem avec sa mère et ses 2 frères Martin âgé de 38 ans et Jean-Noël âgé de 34 ans, tous deux aussi fils naturels. Il est dit à Vottem que “malgré 3 naissances illégitimes“ Anne Radoux était une femme très effacée, bien éduquée et que si les Radoux avaient la réputation de boire beaucoup, “ils le faisaient chez eux en famille calmement et sans bruit(40). Anne Radoux n’était pas propriétaire du logement qu’elle occupait à Vottem et le salaire de sa fille Marie à la houillère était de 15 frs par quinzaine. Sa maman qui vécut jusqu’en 1871 reçut du fonds de la Charité publique par quinzaine 10 frs jusqu’en 1868 puis ensuite 8 frs.

Michel FRERE, âgé de 53 ans, marié et père de famille, habitait au 11, rue Bernalmont à Liège. Son corps est remonté au jour le 15 juin et ses obsèques célébrées en l’église Sainte Foi à Liège le 17 juin. Les frais des funérailles dont 16 frs au curé de Ste Foi sont pris en charge par le charbonnage. Sa veuve née Marie Godin, ménagère, est âgée de 52 ans. Le ménage Frère-Godin a un fils Dieudonné-Julien né en 1843 et ouvrier armurier de profession. Vivait également avec eux un enfant orphelin, Théodore Budin, un écolier âgé de 13 ans, dont le père avait péri vers 1860 à la houillère de Gérard-Cloes. Au charbonnage Michel Frère gagnait par jour de travail 2,30 frs et par quinzaine 25 Fr. Sa veuve, qui les dernières années de sa vie, habitait seule rue de Bernalmont, reçut, jusqu’à son décès en 1900, une pension de 5 frs par quinzaine augmentée des secours du fonds de la Charité publique.

Pierre GILLON, dit Pierre GILLES, est âgé de 21 ans lors de la catastrophe. Son corps est remonté du fond le 16 juin au lendemain du coup d’eau et ses obsèques sont célébrées par le curé de Vottem. Célibataire, il habitait rue Roulette à Vottem, chez ses parents Pierre-Joseph Gilles âgé de 57 ans et Marie-Josèphe Thomas âgée de 53 ans, ainsi que son frère Lambert âgé de 23 ans et sa sœur Elisabeth âgée de 11 ans. Le salaire de Pierre Gilles, charretier au charbonnage, était de 15 frs par quinzaine. Ses parents après avoir reçu 3 quinzaines consécutives payées par le Charbonnage furent secourus par le fonds dit “de la Charité publique“. Ils reçurent à partir du 1 août 1865 : 15 frs par quinzaine. Toutefois en 1897 au décès de la maman, la veuve Gilles, ce montant était réduit à 4 frs par quinzaine.

Catherine JOLY, née en 1842 avait 23 ans. Son corps est retiré du fond le 16 juin. Ses obsèques sont célébrées en l’église Notre-Dame à Herstal. Célibataire, elle vivait comme sa sœur chez ses parents Henri Joly né en 1824, houilleur, et Marie Maka née en 1818. Sa mère étant atteinte d’une maladie incurable, c’est Thérèse sa jeune sœur, âgée de 14 ans, qui fait le ménage de la famille. Le salaire de Catherine Joly à la houillère était de 15 frs par quinzaine. Sa famille ne possède rien et donne un loyer de 62,50 frs l’an pour la maison qu’elle occupe au n°26 en Rhees à Herstal. Les dépenses liées au décès et aux funérailles ont été prises en charge par le charbonnage, y compris 1,80 frs pour des bougies. Sa famille reçut du fonds de la Charité publique un secours de 15 frs par quinzaine, réduit à 3,50 frs à partir de 1882. Secours payé jusqu’au décès de Henri Joly en 1888.

Pierre Joseph DEVILLERS, né le 27 mars 1830, marié et père de 4 jeunes enfants, était domicilié au 19, rue de Morinval à Liège. Son corps est retiré du fond le 16 juin et ses obsèques célébrées en l’église Sainte Foi à Liège. Sa veuve née Marie-Josèphe Beckers est âgée de 34 ans, et leurs enfants Pierre 10 ans, Henri 7 ans, Gérard 3 ans et Guillaume 1 an. Pierre Joseph Devillers avait un salaire de 35 frs par quinzaine. Sa veuve reçut de la Caisse de Prévoyance une pension de 5 frs par quinzaine et ses 4 enfants chacun 2 frs. La pension de la veuve fut complétée par les secours de la Charité publique de façon à atteindre 35 frs par quinzaine. Toutefois dès 1869 le supplément accordé par la Charité publique diminua progressivement au fil des années et fut même supprimé début 1900, pour être rétabli peu après en raison de son âge et de sa situation : elle habite alors seule, rue Brahy à Liège, et n’a que sa pension pour toute ressource. A noter que de janvier 1901 à 1918, elle est la dernière et seule survivante à encore être indemnisée de la Caisse de Prévoyance et du Fonds de la Charité publique. A son décès le 26 octobre 1918 à l’âge de 88 ans elle recevait 16 frs par quinzaine.

Marie ROBERT née en 1923 est âgée de 42 ans lors de la catastrophe. A la houillère elle exerçait la profession de remblayeuse. Son corps est remonté du fond le 16 juin. Célibataire, elle vivait avec ses frères et sœurs qu’elle avait quittés pour vivre en concubinage avec le nommé Jacqmart au n°6 en Faurieux à Herstal. En dehors du payement du cercueil et de 4 frs pour la déclaration du décès à la commune, aucune autre dépense liée au décès de Marie Robert n’est mentionnée dans le registre tenu par le charbonnage. De même en dehors du payement par le charbonnage des 3 quinzaines suivant la catastrophe, il n’est fait pas fait état de pension ou de secours accordés à sa famille.

Marie-Josèphe TASKIN est décédée à l’âge de 16 ou de 14 ans, le registre du charbonnage donnant comme date de naissance le 24 septembre 1848, tandis que celui de la commune de Vottem donne le 12 septembre 1850. Son corps est retiré du fond le 19 juin, 4 jours après le coup d’eau et ses obsèques sont célébrées à Vottem. Célibataire, elle était domiciliée au Croupet à Vottem chez ses parents Lambert Joseph Taskin âgé de 62 ans et Marie Catherine Nottet âgée de 49 ans. Elle avait 8 frères et sœurs dont 3 étaient encore au domicile de leur parents en 1865 : Marie-Catherine âgée de 25 ans, Gilles Joseph 12 ans et Gertrude 10 ans. A la houillère elle avait la profession de remblayeuse et son salaire était de 15 frs par quinzaine. Sa famille n’était pas propriétaire de leur maison et vivait “du travail de leurs mains“. Les 15 frs par quinzaine que ses parents reçurent du fonds de la Charité publique jusqu’en 1868 furent ensuite progressivement réduits et étaient de 5 frs en 1900 au décès du dernier de ses parents.

Jeannette DUPONT, est née en 1842, elle avait 22 ans lorsque son corps est retiré du fond le 19 juin 1865. Ses obsèques sont célébrées à la paroisse de La Préalle. Célibataire, elle habitait chez ses parents Jean François Dupont, houilleur, et Marie-Elise Collinet, ménagère. Elle était la seconde des 4 enfants de la famille, dont Toussaint né en 1840 armurier de profession, Marie-Jeanne née en 1846 et Jean né en 1849. La famille possède quatre petites maisons dont celle qu’elle occupe au n° 101 B en Haute Préalle à Herstal. Les trois autres maisons étaient données en location au prix global de 200 frs par an. La famille possédait en plus cinq verges de terre grevées d’une rente de 15 frs. Au charbonnage Jeannette Dupont exerçait la profession de chargeur aux tailles et son salaire était de 15 frs par quinzaine. Après la catastrophe, ses parents reçurent du charbonnage le payement de 3 quinzaines à 15 frs et ensuite du fonds de la Charité publique un secours de 10 frs par quinzaine. Secours réduit à 8 frs en 1869 et à 4 frs dès 1882. 

Guillaume PLUMIER a 24 ans lorsqu’il périt dans la mine. C’est lui, a-t-on dit, qui, en taillant la veine de houille, “donna le coup de pic fatal qui déclencha l’inondation(41), en trouant la fragile paroi naturelle qui séparait le chantier de la masse d’eau contenue dans les vides d’un ancien bure. Son corps est retiré du fond le 19 juin et ses obsèques sont célébrées en l’église de Vottem. Célibataire, il vivait ruelle Bizette à Vottem avec ses parents et ses 4 frères et sa sœur. Ses parents : Servais Dieudonné Plumier et Jeanne Sulon, étaient âgés de 59 et 60 ans, ses frères : Jean de 22 ans, Servais 21 ans, Joseph 18 ans, Hubert 16 ans et sa sœur Anne-Marie de 12 ans. Sa famille ne possédait aucun bien et à la houillère, Guillaume Plumier, qui exerçait la profession de haveur, avait un salaire de 20 frs par quinzaine. Ses parents reçurent de 1865 à 1884 du fonds de la Charité publique par quinzaine 15, puis 8 et 6 frs. En juin 1884 décédait la mère de Guillaume Plumier.

Lambert GILLES, né en 1823, était marié et père de famille. Son corps est remonté à la surface le 19 juin à 4 hrs du matin et enterré le 20 juin 1865 après des obsèques célébrées en la chapelle de La Préalle. Ses parents, Lambert Gilles et Dieudonnée Namotte, étaient tous deux décédés. Il était marié à Anne Collette, ménagère, née en 1818, ils avaient 3 enfants de plus de 12 ans : Dieudonnée née en 1850, Michel en 1851 et Lambert en 1853. Le ménage Gilles-Collette était propriétaire de 2 petites maisons : celle qu’ils occupaient au 33 B en Haute Préalle à Herstal et une seconde qui était donnée en location 50 frs par an. De plus son épouse cultivait 12 verges de terre dont elle était propriétaire. A la houillère, Lambert Gilles, qui était surveillant, avait un salaire 2,65 frs par jour de travail et par quinzaine 35 Fr. Sa veuve reçut de la Caisse de Prévoyance une pension de 5 frs par quinzaine complétée par les secours de la Charité publique de façon à atteindre 35 frs par quinzaine, montant progressivement diminué par la suite pour être de 9 frs lorsque la veuve de Lambert Gilles décéda en 1891.

Jean Nicolas HENSENNE, né en 1801, est âgé de 64 ans lors du coup d’eau. Son corps est retiré de la mine le 19 juin et ses obsèques célébrées en l’église Notre-Dame à Herstal. Jean Nicolas Hensenne était célibataire et vivait au n° 52 au Tige à Herstal avec sa sœur Marie-Anne née en 1804 ménagère et estropiée d’un bras. La maison que sa sœur possédait au 52 au Tige à Herstal était grevée d’une rente annuelle de 15 frs. Le salaire de Jean Nicolas Hensenne, bouteur au charbonnage, était de 15 frs par quinzaine. Les dépenses liées au décès et aux funérailles sont prises en charge par le charbonnage : 15 frs pour le cercueil, 4 frs pour la déclaration du décès à l’hôtel de ville, 5 frs pour avoir annoncé la mort, 6,50 frs pour le chantre, le sacristain et les porteurs, 16,75 frs pour les frais d’inhumation. Dès le 1 août 1865, sa sœur qui était à sa charge, reçut 15 frs par quinzaine constitué de 5,41 Frs de pension de la Caisse de Prévoyance plus 9,59 frs du fonds de la Charité publique. Elle décéda en novembre 1872. 

Servais COLETTE, haveur de profession, âgé de 28 ans, et son épouse Jeanne DEMARTEAU, âgée de 26 ans, sont tous deux décédés dans l’accident. Leurs deux corps, que les sauveteurs ont “retrouvés dans la bure serrés dans les bras l’un de l’autre(42), sont remontés à la surface le 28 juin à midi. Leurs obsèques religieuses sont célébrées à Vottem. Le ménage Collette-Demarteau était domicilié au n°30 en Bouxthay à Vottem. Ils avaient 2 enfants “légitimes“, précise le rapport : Gérard né en 1862 et Marguerite en 1864. La maman de Jeanne Demarteau, la veuve Marguerite Demarteau, née Cloes, âgée de 67 ans, vivait avec le ménage de sa fille. Elle devint l’unique soutien de ses 2 petits-enfants devenus orphelins et reçut de la Caisse de Prévoyance une pension de 6 frs par quinzaine. Chacun des 2 enfants reçut en tant qu’orphelin une pension de 4 frs jusqu’à 15 ans. Ces pensions furent complétées par les dons de la Charité publique de façon à atteindre les 30 frs de rémunération reçue du charbonnage par quinzaine par les 2 époux. Montant que reçut la grand-mère des enfants Colette jusqu’à son décès survenu début des années 1880.

Lambert HUMBLET, né le 29 avril 1848, est âgé de 17 ans lors de son décès. Son corps est ramené à la surface le 4 juillet à midi, soit 19 jours après le coup d’eau et ses funérailles sont célébrées à La Préalle. Célibataire il était l’enfant d’un premier ménage de son père Lambert Humblet, né en 1823 et houilleur de profession, avec Catherine Bustin. Il vivait au 33B en Haute Préalle à Herstal dans le second ménage de son père remarié avec Gertrude Liban, ménagère née en 1832. Le ménage Humblet-Liban avait 3 enfants : Marie-Josèphe née en 1853, Gilles-Joseph né en 1862 et Jean-Gilles né en 1863. Le salaire de Lambert Humblet au charbonnage était de 15 frs par quinzaine. Sa famille ne possédait rien et avait en location au prix de 75 frs l’an la maison qu’elle occupait. Après les 3 quinzaines payées par le charbonnage, sa famille reçut du fonds de la Charité publique un secours de 15 frs par quinzaine qui était réduit à 4 frs lorsque la veuve Humblet décéda en novembre 1892.

Elisabeth FRANCO, née le 12 février 1845, était âgée de 20 ans. Son corps est remonté au jour le 4 juillet à midi. Ses obsèques sont célébrées en l’église Notre-Dame à Herstal conjointement avec une autre jeune victime Marie LABAYE dont le corps avait également été remonté le 4 juillet. Elisabeth était la fille de Jean Franco, également décédé dans la catastrophe, et de Marguerite Jacquemart, et elle était domiciliée chez ses parents au 58 au Tige à Herstal. Elle avait un salaire de 1,55 frs par journée de travail. Sa maman, la veuve de Jean Franco, reçut du charbonnage 15 frs pour chacune des 3 quinzaines suivant la catastrophe. Par la suite elle reçut pension et secours mais seulement au titre de veuve de Jean Franco. 

Marie LABAYE est née en 1844, elle a 21 ans en 1865. Son corps est remonté au jour le 4 juillet à midi et ses obsèques célébrées en l’église Notre-Dame à Herstal. Célibataire, elle vivait avec sa mère, la veuve Labaye née Marguerite Depirreux âgée de 66 ans, et sa sœur ainée Marie Catherine Labaye âgée de 29 ans et journalière de profession, son père Nicolas Labaye étant décédé. Sa mère ne possède que la petite maison qu’elle occupe au n°64 au Tige à Herstal. A la houillère le salaire de Marie Labaye était de 15 frs par quinzaine. Sa mère recevra jusqu’à son décès survenu en mai 1871 de la Caisse de Prévoyance une pension de 6,50 frs par quinzaine augmentée de 8,50 frs du fonds de la Charité publique. 

Marie Catherine PAILLOT, née en 1843, a 22 ans lors de la catastrophe. Son corps est retiré de la mine le 4 juillet à midi et ses obsèques sont célébrées à La Préalle. Célibataire, Catherine Paillot vivait avec ses parents et ses quatre frères et sœurs. Son père Mathieu Paillot, né en 1805, est houilleur et sa mère Marie-Françoise Monard, née en 1805, est ménagère. Sa sœur Elisabeth née en 1845, “maladive“, travaille en surface à la paire de Gérard Cloes, son frère Arnold Joseph, né en 1849, est houilleur, ses 2 sœurs plus jeunes Marie-Agnès et Jeanne sont nées en 1852 et 1855. Marie Catherine Paillot avait un salaire de 15 frs par quinzaine. Sa famille ne possédait rien et tenait en location pour 65 frs l’an la maison qu’elle occupait au 65 B en Haute Préalle à Herstal. Du fonds de la Charité publique ses parents reçurent 15 frs par quinzaine au moins jusqu’en 1869. Par la suite les secours sont réduits, ils étaient de 4 frs au décès, survenu le 26 juin 1885, de sa maman devenue veuve.

Jean Joseph COLLINET, dit Cherron, était marié et père de famille. Né le 20/08/1814, il était âgé de 50 ans lors de son décès. Son corps est retiré du fond le 4 juillet à midi. Bien que domicilié rue Lombard à Vottem, ses funérailles sont célébrées à La Préalle. Sa veuve née Marguerite Dupont est âgée de 47 ans. Le ménage Collinet-Dupont a eu 9 enfants dont 4 demeuraient encore avec leurs parents lors de la catastrophe : Arnold âgé de 20 ans, houilleur de profession, Jeanne âgée de 14 ans, ouvrière à la fabrique linière, Gérard Gilles né en 1854 et François né en 1858. La belle-mère de Jean Joseph Collinet, née Jeanne Godin, faisait également partie du ménage. Le ménage Collinet-Dupont n’était pas propriétaire de leur logement et vivait, dit le rapport de 1865, “du travail de leurs mains“. A la houillère, Jean Joseph Collinet était haveur et avait un salaire de 35 frs par quinzaine. Sa veuve reçut de la Caisse de Prévoyance une pension de 5 frs par quinzaine et pour chacun de ses 2 plus jeunes enfants une pension de 2 frs jusqu’à leurs 12 ans. Sa pension fut complétée des secours de la Charité publique de façon à atteindre, dans un premier temps, 35 frs par quinzaine, ramenés à 25 frs en 1869, puis à 15 frs en 1882 et à 12 frs de, 1885 à l’année de son décès en 1890.


Sources

- André Collart-Sacré, “La Libre Seigneurie de Herstal“, éd. G. Thone à Lg, t.1, 1927, pp. 90-138 “La houillerie“ 
- Archives de l’Etat à Liège, archives de l’Adm. des mines, 8° arrondissement, farde 90, rapports de visite, 
- Archives de l’Etat à Liège, archives Grande Bacnure, farde 106, registre des P.V. des assemblées, 1865. et fardes 237-238, registre des quinzaines, 1865.
- Cladic Blegny-Mine, archives Grande Bacnure, WF-GB-53, registre 40 x26, coup d’eau du 15/06/1865, 1865-1918.
- Cladic Blegny-Mine, Archives Grande Bacnure, WF-GB-52, Registre 35 x 22, registre des pensionnés, 1870-1897. 
- Georges Dehousse, “Histoire de Vottem“, éd. par l’auteur, 1981.
- Jean Neuville, “Naissance et croissance du syndicalisme“, collection Histoire du mouvement ouvrier en Belgique, Bruxelles, Ed. Vie Ouvrière, 1979.
- La Gazette de Liège, du 23 juin 1865, citée par R. Leboutte, “Chronique G. Marnette“, p.101.
- La Meuse, quotidien liégeois, des 16, 17, 19, 21 juin et du 1-2 juillet 1865, en lecture à la bibliothèque Ulysse Capitaine à Lg.
- Le Journal de Liège, quotidien, du 16 et du 21 juin 1865, cité par J. Dehon, “L’ère du charbon à Gosselies“, éd. Cercle d’Histoire, 1982. pp. 43-46. Et repris par Le journal de Charleroi du 21/06/1865.
- P. Rambeaux, “Herstal avant les usines – Houillerie“, éd. Musée de Herstal, 1982, pp. 69-144.
- René Leboutte, “L'Archiviste des rumeurs. Chronique de Gaspard Marnette, armurier, Vottem 1857-1903“, éd. Musée de la Vie Wallonne, 1991.
- René Leboutte, “Mortalité par accident dans les mines de charbon en Belgique“, article publié dans la Revue du Nord, n°293, 1991.


Notes

(1) - “hier vers 2 hrs après midi“ cfr : La Meuse du 16/06/1865. - “le jeudi 15 juin 1865, jour de la Fête-Dieu, vers 4 heures de l’après-midi en Bernalmont“ cfr : R Leboutte, “Chronique G. Marnette“, p.101.

(2) – “la Grande Veine à moins 220 mètres“ cfr : La Meuse du 16/06/1865. - “l’étage de 207 m à la Grande Veine aux environs des anciens travaux“ cfr : AEL-GB-Rapport de visite de l’Adm. des Mines du 02/09/1866. 

(3) La société charbonnière de la Grande Bacnure, dont les origines remontent à 1640, fut fondée en 1824. Sa paire supérieure comprenant le bure de Thiers Navette dit de Gérard-Cloes, du nom d’un de ses anciens propriétaires, est située à Bernalmont-Liége, précédemment sur Vottem. La houillère de Gérard-Cloes devint l’unique et principal siège d’exploitation de la Société, les autres bures de la société furent soit remblayés soit maintenus en tant que puits de retour d’air. Sa paire inférieure, siège social et commercial, est située à Coronmeuse-Liège. Ce charbonnage de moyenne importance occupe en 1840 260 ouvriers (fond et surface) et possède 2 machines à vapeur. Sa concession de 290 hectares en 1862 s’étendait sous Liège, Herstal, Vottem et Bressoux. Le siège de Gérard-Cloes, en activité jusqu’en 1960, fut détruit en 1990 pour laisser place au golf de Bernalmont. Actuellement, en 2017, seuls subsistent de ce charbonnage, à Bernalmont, deux bornes de puits scellées sur les dalles de fermeture de puits et visibles face au practice du golf, plus un mur de soutènement et les vestiges d’un puits de retour d’air situés le long des premiers mètres de la descente de la rue du Baron. Subsistent également, rue Derrière Coronmeuse, les bâtiments administratifs désaffectés de la Grande Bacnure. En 1920, la Société de la Grande Bacnure, alors Société anonyme, fusionne en conservant son nom avec la Société voisine de la Petite Bacnure dont le siège en activité jusqu’en 1971 était situé à La Préalle Herstal.

(4) “l’ouverture par laquelle l’eau est venue a 3 mètres de large“ cfr : AEL-Adm. mines -8/90- Rapport de visite du 05/08/1865.

(5) - La Meuse du 16/06/1865 : “asphyxié par les gaz méphitiques“. - Le journal de Liége du 16/06/1865. “plusieurs victimes sont mortes asphyxiées par le gaz sulfurique“, c’est-à-dire de l’hydrogène sulfuré (H2S), un gaz toxique à 0,1%. Dans les anciens travaux inondés et non aérés, la décomposition de diverses matières, notamment des bois de soutènement et des pyrites, produisent des gaz délétères complexes qui peuvent contenir du H2S et ou du CO2. Du grisou (méthane CH4) peut aussi s’y trouver. L’accumulation de ces gaz met ces poches sous pression, ce qui en cas de rupture donne force et rapidité à l’eau et aux gaz pour se répandre. cfr. Labasse, Exploitation des mines, éd. ULg, 1953, p. 294 et 336.

(6) Le Dr Otte a soigné les indigents de Vottem jusqu’en 1862, pour le compte du Bureau de Bienfaisance communal et a été, de 1859 à 1901, médecin de la Société de Bonne-Espérance Batterie.

(7) La Meuse du 16/06/1865 et Le Journal de Liége du 16/06/1865.

(8) R. Leboutte, “Chronique de G. Marnette“, p.101.

(9) ibidem, p. 105. Des houilleurs enivrés pour avoir bu “goutte sur goutte“ de genièvre à cause du “chagrin“ dit le témoin G. Marnette. Outre du chagrin, ce fait témoigne de l’alcoolisme régnant à cette époque. En 1865, la commune rurale et ouvrière de Vottem comptait 2.200 habitants et 60 cabarets et maisons où l’on vendait de la goutte, soit 1 débit de boisson pour 36 habitants ! Cet alcoolisme touchait quasi toute la population. Les ménages ouvriers subissaient, en plus des conséquences de l’alcoolisme, les effets de la privation d’une partie importante de leur peu de revenus. – cfr : G Dehousse, Vottem, période 1858-1870, pp. 159-277. 

(10) - “La police et la gendarmerie“ cfr : La Meuse du 16/06/1865. - “On fit monter en toute hâte nombre de gens-d’armes (sic) et d’agents de police“, cfr : R. Leboutte, “Chronique de G. Marnette, p.101. - “12 gens-d’armes armés faisaient la police dans la paire et empêchaient de leur mieux les dits hommes de se porter à des extrémités fâcheuses. Les gens-d’armes ne suffirent pas“, cfr : ibidem p. 105.

(11) En contradiction avec la relation des faits du témoin G. Marnette, La Meuse du 17/06/1865 écrit “en surface l’ordre parfait règne malgré le désespoir des familles“. 

(12) Gaspard Marnette, un ouvrier armurier de Vottem, autodidacte, célibataire, (fervent) catholique de religion et d’opinion politique, notait et commentait pour lui (et son curé) les faits et gestes des habitants de Vottem. A l’annonce de la catastrophe, il se rendit, au moins deux fois, à la houillère de Gérard Cloes pour voir ce qui s’y passait et interroger les houilleurs. cfr. R. Leboutte, “Chronique de G. Marnette“

(13) En 1865 le directeur-gérant de la houillère Gérard-Cloes était M. Lepourcq,

(14) G. Dehousse, “Histoire de Vottem“, p. 245. et R. Leboutte, “Chronique de G. Marnette“, pp. 101-105. 

(15) AEL-GB-238: Le registre des salaires de la quinzaine précédant le coup d’eau mentionne que 4 ouvriers (W. Castadot, B. Namotte, L. Rocour et M. Louis) ont reçu pour leur travail de sondeurs un salaire journalier de 3frs25 par journée de travail. 

(16) La présence d’anciens travaux, dans la concession de la Grande Bacnure, était d’autant plus probable que la zone concédée à la Grande Bacnure, avant d’être exploitée par elle depuis 1640, l’avait été par de nombreux autres propriétaires depuis 1140. “La Grande Veine de Sept pied de Bernalmont“ était déjà en exploitation en 1325. Le nombre de bures creusés à ces époques était d’autant plus important qu’en l’absence de moyens d’aération, la zone déhouillée aux alentours du puits était limitée, ce qui obligeait un même propriétaire à foncer (creuser) successivement plusieurs bures sur sa propriété. Certains de ces anciens bures étaient connus de la Grande Bacnure et exploités par elle, ainsi le bure des Bayards bien qu’abandonné depuis 1773 avait été remis en exploitation par la Grande Bacnure en 1827 (cfr.: Arrêt provincial du 17 mars 1827 autorisant la Grande Bacnure à remettre en activité la bure des Bayards). D’autres bures étaient utilisés par elle en tant que puits de retour d’air. Mais pour d’autres, tout au plus on savait leurs noms, en ignorant leur localisation et l’étendue de leurs travaux. Parmi ces nombreux bures on trouve les noms: de la Sauge, Suret, Gurdule, Cheval, delle Garde de Dieu, Gratten d’aite, de Boutelicou, des Innocents, St-Georges, Nicolas Laleux, Nicolas Louis. – cfr : A. Collart-Sacré t.1, pp. 90-100, t.2, p.54 ; P. Rambeaux, “Houillerie“, p.126.

(17) La houillère de Gérard-Cloes était, comme tous les autres charbonnages, soumise au contrôle et à l’inspection de l’Administration des Mines. Les chantiers du charbonnage étaient régulièrement (2 à 3 fois par an) visités par un ingénieur de l’Adm. qui établissait chaque fois un rapport de visite où il notait ses observations et consignes. La fonction de l’Adm des mines était double: une mission de “Police des mines“ avec des obligations pour les exploitants et une mission de “Conseils“ laissés à l’appréciation des exploitants. La mission de “Police des mines“ se rapportait particulièrement aux dangers de l’exploitation et à la sécurité des ouvriers mineurs. Parmi ses obligations, le charbonnage en cas d’accident devait prévenir l’Adm. des Mines.

(18) AEL-Adm mines- 8/90 - rapport du 10/06/1865.

(19) ibidem : rapports du 25/06/1866 et du 02/09/1866.

(20) R. Leboutte “Mortalité par accident“, p. 705 : Le coup d’eau du 22 février 1812, à la houillère de Beaujonc à Ans, avait fait 22 victimes et 70 autres ouvriers n’avaient eu la vie sauve que par le courage du maître ouvrier Hubert Goffin. Cette catastrophe avait été mise en avant par Charles Micoud-d’Umons, préfet du département de l’Ourthe, pour notamment établir une législation concernant la sécurité dans les mines. 

(21) AEL-Adm. Mines -8/90, Rapport du 05/08/1865 : Le rapport de visite de l’ingénieur des Mines, fait après le coup d’eau, précise que la distance entre la taille en exploitation et les anciens travaux devait être d’environ 4 mètres.

(22) J. Neuville, “Naissance du syndicalisme“, p.226

(23) Cladic-WF-GB-53. Les données de base de la relation des évènements proviennent du registre relatif au coup d’eau du 15/06/1865. Registre rédigé, au jour le jour, par le charbonnage de 1865 à 1918. 

(24) R. Leboutte,“Chronique de G. Marnette“, p.101: “ ils retrouvaient les morts dans cette boue“.

(25) En 1865, la plupart des ouvriers travaillent 6 jours par semaine, le dimanche n’étant pas travaillé. Les salaires sont payés chaque quinzaine et établis en fonction du nombre de journées de travail prestées. Les salaires journaliers varient de 1fr10 à 3frs30 suivant la profession exercée. Les salaires les plus bas sont attribués aux professions de traineurs et de chargeurs aux tailles exercées en majorité par des jeunes femmes. Les bouteurs et remblayeurs avaient un salaire moyen. Les salaires les plus élevés sont ceux des abatteurs, des surveillants, et des ouvriers spécialisés tels les sondeurs. Pour un certain nombre d’ouvriers, le salaire journalier est établi en fonction de la production réalisée par une équipe d’ouvriers, soit pour les uns en fonction du nombre de berlaines chargées et transportées, soit pour d’autres en fonction du nombre de m³ abattus. Certains salaires font l’objet de retenue : ainsi les boutefeux payent les poudres et cordons qu’ils utilisent. – cfr : AEL-GB-237-238, registres des quinzaines 1865-1866.

(26) G. Dehousse, “Histoire de Vottem“, p. 247 + R. Leboutte,“Chronique de G. Marnette“, p.101.

(27) Cladic- WF-GB-53-Registre 1865-1918.

(28) La “Caisse commune de prévoyance en faveur des ouvriers houilleurs du département de l’Ourthe“ décrétée en 1813 par les autorités françaises ne survécut pas à la chute de l’Empire et fut suspendue en 1815 sous le régime hollandais. Elle fut réactualisée en 1837 par les 26 principales sociétés charbonnières de la province, sous le nom de “Caisse de prévoyance en faveur des ouvriers mineurs de la province de Liège“. Et après les coups de grisou du 22/06/1838 à l’Espérance à Seraing et du 08/04/1839 au Horloz à St Nicolas, qui firent 114 victimes, elle fut approuvée par l’A.R. du 24 juin 1839.

(29) Cladic- WF-GB-53-Registre 1865-1918. Le registre détaille la distribution de 1865 à 1918 de ce fonds. 

(30) G. Dehousse, Histoire de Vottem, p. 247.

(31) La Meuse du 17/06/1865 et des jours et semaines suivants.

(32) R. Leboutte, “Chronique de G. Marnette“ p. 105.

(33) La Meuse du 16/06/1865 publie la relation de la catastrophe dans sa rubrique “Faits divers“.

(34) Article de la Gazette de Liège repris dans Le Journal de Charleroi du 21/06/1865. La suite de l’article est explicite sur les motifs de l’opposition au travail des femmes dans les mines. “Est-ce le rôle des femmes de descendre dans ces mines souterraines où elles exécutent des travaux au-dessus de la force de leur sexe, où elles se trouvent sans cesse en contact, dans une obscurité profonde, avec des hommes, au détriment de la moralité, où enfin elles désapprennent les saints devoirs de la mère de famille. Pudeur et douceur féminines, gardienne du foyer et source du bonheur domestique … rappelons-nous la conclusion si logique, si vraie, si salutaire de l’ouvrière de J. Simon : “La femme à son ménage, et l’homme à la fabrique … et nous aurons alors la joie de voir un grand nombre de femmes rendues à la destinée qui leur convient le mieux: celle de ménagère et de mère de familles“. 

(35)… et pour le principe de l’égalité hommes-femmes, le travail des femmes adultes dans les mines est de nouveau autorisé par une loi du 18 avril 2010.

(36) R. Leboutte, “Chronique de G. Marnette“, p.101.

(37) La plupart des informations concernant les victimes et les rentes accordées à leurs familles proviennent du registre : Cladic- WF-GB-53-Registre 1865-1918. Les données personnelles sur les victimes habitant Vottem sont de G. Dehousse, Histoire de Vottem. Les détails concernant la profession au charbonnage des victimes proviennent des Registres des quinzaines AEL-GB-237-238, et certaines notes concernant les bénéficiaires des rentes sont extraites du Registre des pensionnés Cladic-WF-GB-52, 1870-1897.

(38) Parmi les professions exercées par les victimes en 1865 : 
- Abatteur = ouvrier qui dans son pairai (une portion de la taille) abat le charbon à l’aide d‘un pic.
- Bouteur = ouvrier qui assure le chargement et le transport de la houille de la veine jusqu’aux voies de roulage allant au puits d’extraction.
- Chargeur en veine = ouvrier qui dans la veine, à l’arrière de l’abatteur, à l’aide d’une pelle à court manche, déblaye le charbon abattu jusqu’à la sortie de la veine. Le mode d’évacuation du charbon était fonction du pendage (de l’inclinaison) de la veine. Dans les plateures (veines +/- horizontales) le charbon était chargé dans des bacs à charbon qui étaient trainés jusqu’à la sortie de la veine. Dans les dressants (veines en pente) le charbon était déposé sur des chenaux en tôle et glissait jusqu’au pied de la taille. En dehors des veines, le chargeur chargeait les berlaines à la pelle.
- Haveur = ouvrier, qui préalablement à l’abattage et pour faciliter celui-ci, dégage la veine de charbon en enlevant la couche plus ou moins friable de schiste charbonneux se trouvant contre le mur ou le toit de la veine de charbon ou à l’intérieur de celle-ci. Le haveur utilise soit une rivelaine (pic à 2 pointes aplaties), soit une haveresse (pic léger à une pointe). Le mot “haveur“ est souvent confondu avec celui “d’abatteur“ d’autant plus que les 2 fonctions peuvent être exécutées successivement par une même personne, qui de plus peut assurer le chargement du charbon et le boisage de son pairai.
- Remblayeur = ouvrier chargé de remblayer à l’aide de pierres les vides des veines déhouillées de façon à empêcher l’effondrement du toit de la veine et éviter de devoir remonter ces pierres à la surface. Ces pierres provenaient : soit d’un premier triage fait sur place des pierres contenues dans le charbon abattu, soit du creusement des voies et galeries à travers les bancs de roches. 
- Traineur = ouvrier qui traîne à l’aide de bretelles les bacs à charbon dans les couches et voies étroites. Les bacs, faits de planches, étaient de forme rectangulaire et armés de patins en fer, ils avaient 40 cm de hauteur et une contenance de 1 hectolitre (soit 80 kg de charbon). Les traineurs à la berlaine poussaient les berlaines dans les voies de roulage. Hiercheur est synonyme de Traineur.

(39) Cladic-WF-GB-53-Registre 1865-1918. La veuve d’une victime perdait ses droits à une rente lorsqu’elle se remariait.

(40) G. Dehousse, Histoire de Vottem, p. 246.

(41) La Meuse du 17/06/1865.

(42) R. Leboutte,“Chronique de G. Marnette“, p. 101. et G. Dehousse, “Histoire de Vottem“, p. 246.