Actualités - Une enquête sur le passé, le présent et le futur des cercles et sociétés d'histoire et d'archéologie en Wallonie et à Bruxelles

Publié le 1 novembre 2012

Par Claude Depauw

Une coédition de l’Observatoire des Politiques culturelles, du Service du Patrimoine culturel et de l’Association des Cercles francophones d’Histoire et d’Archéologie de Belgique

C’est à l’occasion du 9e Congrès de l’Association des Cercles francophones d’Histoire et d’Archéologie de Belgique et LVIe Congrès de la Fédération des Cercles d’Archéologie et d’Histoire de Belgique le 23 août dernier à Liège qu’est sorti de presse l’ouvrage coordonné par Patrice Dartevelle et Jacques Toussaint intitulé Cercles et Sociétés archéologiques et historiques en Fédération Wallonie-Bruxelles. Passé, présent, futur.

Lors de la séance d’ouverture du Congrès, Patrice Dartevelle a rappelé que la réflexion à propos de la place des sociétés d’histoire et d’archéologie dans le paysage culturel de ce qui était encore la Communauté française de Belgique a été lancée lors du précédent Congrès qui s’est tenu à Namur en août 2008. Les rencontres avec des représentants des associations – dont je n’ai pas manque de me faire l’écho à diverses reprises1 – ont débouché sur la nécessité d’étudier scientifiquement ce milieu méconnu avant de pouvoir mettre en chantier un décret portant reconnaissance et subventionnement des sociétés d’histoire et d’archéologie.

L’ouvrage publié cet été n’est pas seulement la présentation des principaux résultats de l’enquête menée en 2009 par la Sonecom à l’initiative de l’Observatoire des Politiques culturelles. Les 112 pages de ce quatrième numéro des Documents du Patrimoine culturel s’ouvrent, comme il sied, par une préface de Mme la Ministre Fadila Laanan. Elle est suivie d’un avant-propos conjointement signés par Ariane Fradcourt, directrice générale adjointe du Service général du Patrimoine culturel et des Arts plastiques, et Jacques Toussaint, président de l’Association des cercles francophones d’Histoire et d’Archéologie de Belgique, et d’une introduction de Patrice Dartevelle, directeur du Service du Patrimoine culturel.

Les cercles et sociétés d’histoire et d’archéologie participent au mouvement des sociétés savantes, ce leur donne une profondeur historique certaine : la plus ancienne société encore en activité est née en 1835. D’une quête à l’autre, du sentiment national aux racines locales, à travers l’histoire, mais aussi les arts, les traditions populaires et l’environnement, les sociétés vont assurer la protection et la valorisation d’éléments du patrimoine immobilier, mobilier et immatériel (comment peut-on les dissocier ?). En développant ainsi des collections de toutes sortes, elles vont constituer ou enrichir çà et là de nombreux musées. Longtemps soutenues par le bénévolat de leurs membres, elles oscillent désormais entre la continuation d’un volontariat organisé et la nécessité d’un certain professionnalisme. Face à ce foisonnement de missions et d’activités, l’enquête est apparue comme un préalable indispensable avant la mise sur pied d’un projet de réglementation. Davantage structuré, le secteur pourrait ainsi pleinement bénéficier d’une coopération renouvelée entre Région wallonne et Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pour parfaire ce « cadastre primitif » du milieu des cercles d’histoire, s’ajoutera en décembre 2012 un répertoire descriptif de l’ensemble des Cercles et Sociétés archéologiques et historiques en fédération Wallonie-Bruxelles. Premier numéro d’une nouvelle collection Répertoires du patrimoine culturel en Fédération Wallonie-Bruxelles, ce répertoire a pour objectif d’informer le public de l’existence de ces société et du rôle qu’elles jouent en matière de conservation, d’étude et de diffusion du patrimoine culturel, mobilier et immatériel.

Les cinq chapitres suivants sont autant d’exposés qui mettent en perspective, depuis hier et jusqu’à aujourd’hui, les diverses facettes qu’a pris l’action des sociétés d’histoire et d’archéologie ancrées dans le passé local ou régional sous toutes ses formes, ce qui leur a permis de parcourir les vastes domaines d’études du patrimoine culturel. En quelques pages chacun des intervenants brosse un tableau synthétique issu des analyses de l’enquête présentée, mais aussi de leur implication personnelle et bénévole au sein des associations où se mêlent érudits amateurs et professionnels des musées et des services de fouilles. Ils en sont des acteurs majeurs et tous bien au fait de la situation des cercles où, à côté de leurs activités liées à l’histoire, à l’histoire de l’art ou à l’archéologie au sein du monde universitaire, ils pratiquent ces mêmes disciplines.

Jacques Toussaint retrace le passé des sociétés savantes en Wallonie et à Bruxelles de 1830 à 1980, depuis l’aube de la Belgique en passant par les situations spécifiques des 19e et 20e siècle (p. 11-21).

Christian Limbrée, président du Cercle historique de Rochefort, s’intéresse à l’activité de fouilles que les cercles ont menée avant 1980 et après 2000, où ils se positionnent comme un relais incontournable ; il s’interroge cependant sur le devenir des sociétés formées d’amateurs (p. 22-27).

François Mairesse, professeur à la Sorbonne nouvelle (Université de Paris 3), reprend la question du développement des cercles d’histoire et d’archéologie dans nos régions à partir de l’essor des académies aux 17e et 18e siècles ; explorant « le national, le local et le global », il s’arrête sur les sociétés savantes et les musées au 21e siècle (p. 28-40).

Jean-Marie Yante, professeur ordinaire à l’Université Catholique de Louvain, éclaire l’activité de recherche des cercles. À côté de contributions inestimables à l’archéologie locale et régionale et d’un apport substantiel à l’édition de textes, par le biais d’un bel éventail de publications, ils n’ont de cesse de « stimuler, former, informer, sensibiliser » et au cœur de ces actions, se trouvent leurs bibliothèques et leurs centres de documentation (p. 41-51).

Luc Engen, conservateur des collections de l’Institut archéologique liégeois, détermine trois catégories de publics des sociétés  : professionnels, adhérents et non-membres. « Entre une certaine idée et une idée certaine du patrimoine », il donne un aperçu des différents types d’activités qui leur sont proposées, telles que la collecte et la conservation de biens culturels, y compris dans les bibliothèques qu’elles se sont constituées, les publications et l’utilisation du nouveau média qu’est Internet, les conférences et les colloques, les expositions, les voyages et les excursions qu’elles organisent souvent (p. 52-56).

Vient ensuite l’état des lieux des cercles et Sociétés d’Histoire et d’Archéologie actifs en wallonie et à Bruxelles (p. 57-110) rédigé par Muriel Willequet de la Sonecom. L’étude complète et certaines de ses annexes sont accessibles au départ du portail du site www.opc.cfwb.be. La diversité des thèmes abordés par cet état des lieux montre l’ampleur de la problématique.

L’enquête est basée sur les 105 réponses obtenues après interrogation de 160 sociétés aux coordonnées exploitables (liste donnée en annexe). Une extrapolation à partir des chiffres fournis permet de déduire qu’environ 25.000 Wallons et Bruxellois sont membres de l’un ou l’autre cercle. Leur périmètre est d’abord cerné : création, composition et objet des associations.

Leurs collections qu’elles se sont constituées apparaissent comme un patrimoine substantiel et varié, conservés souvent dans des entrepôts mais bénéficiant de peu d’espace de conservation et de valorisation. Le tout est géré sur base volontaire, ce qui entraîne une inventorisation parcellaire des collections. Malgré ces déficiences, leur enrichissement se poursuit.

En ce qui concerne les bibliothèques, les supports sont nombreux et diversifiés et ils se trouvent dans des lieux ouverts au public. Ici encore, alors que les acquisitions se poursuivent toujours, les responsables désignés sont surtout des volontaires, parfois des professionnels. Les inventaires restent à parachever bien qu’ils soient en cours d’informatisation.

Les animations et les événements présentent des formes diverses accessibles à tout amateur. Ces activités culturelles bénéficient d’aides multiples et éparses.

Les publications sont une activité essentielle, le signe de vie de toute société d’histoire ou d’archéologie. C’est le fruit d’un travail souvent collectif, nécessitant des dizaines d’heures de préparation mensuelle. Deux activités de publications sur trois sont soutenues.

Faisant appel à quelques ressources extérieures, les activités de recherche et de consultance ne peuvent pas être séparées du travail préparatoire aux publications. Elles débouchent aussi sur une action concrète en faveur du patrimoine.

Les canaux de communication qu’utilisent les cercles combinent le plus souvent divers médias pour atteindre de multiples publics.

À côté des infrastructures qui se présentent sous la forme de locaux très peu coûteux pourvu d’un équipement informatique et de communication plutôt satisfaisant, les ressources humaines rassemblent d’abord de petits pôles de volontaires, renforcés parfois par du personnel mis à la disposition par des tiers, plus rarement par des personnes dont l’emploi est soutenu par les régions.

Deux modèles contrastés apparaissent sur le plan financier : un petit quart de très petits budgets, un petit tiers de budgets conséquents liés aux emplois subsidiés. Un consensus s’établit autour d’un montant de cotisation modéré. Mais les cotisations ne représentent qu’une part des ressources financières des cercles.

Notons que l’exposition des données relatives à chacun des thèmes abordés se termine par les réflexions apportées par les responsables des cercles interrogés. Les attentes envers les pouvoirs publics sont présentées avant les conclusion et les pistes. Posséder des collections, occuper des locaux, employer des salariés, voilà les attributs souvent corrélés qui marquent les sociétés « professionnelles ». Mais le point commun de tous les cercles , publier

Quant aux cercles en déficit de jeunes, ils souffrent de cette érosion du volontariat, tant dans leur gestion qu’au point de vue de leurs productions. S’y ajoutent la faiblesse des moyens financiers, la carence en compétences techniques, la demande insistante de ressources pour fonctionner mieux. Tout cela pose la question de la préservation du patrimoine constitué.

Pour contrebalancer ces points de vue négatifs, peut-être le problème des cercles autocentrés, l’informatisation en cours, les solutions pour valoriser les collections, le travail en réseau (local, inter cercles, compétences) ouvrent la voie à la reconnaissance et au financement public (Fédération Wallonie-Bruxelles, Régions, Provinces, Communes). C’est dans cette voie que la reconnaissance et le subventionnement des cercles par les pouvoirs publics permettront de renforcer le tissu associatif dévolu à l’histoire et à l’archéologie, enfin devenu perceptible.

Et le patrimoine industriel dans tout ça ?

Il n’en est pas question, ou du moins il n’apparaît pas comme tel. Sans doute faut-il aller le chercher auprès de chaque cercle, si cette thématique se manifeste à l’occasion des animations et des évènements qu’il organise, si elle est présente, sinon au sein de ses collections et de sa bibliothèque, au moins au sommaire de l’une ou l’autre de ses publications.

D’ailleurs l’asbl Patrimoine Industriel Wallonie-Bruxelles ne figure pas dans la liste des associations sollicitées dans le cadre de l’étude. Pourtant, le membre fondateur que je suis a toujours estimé que notre association a été créée en 1984 à l’initiative de la Communauté Française. Et que, depuis lors, elle est subventionnée par elle. Un oubli ou une volonté délibérée ?

 

1 C. Depauw, « En route vers un éventuel décret portant reconnaissance et subventionnement des cercles d’histoire en Communauté française Wallonie-Bruxelles ? », Centre Hannonia. Centre d’information et de contact des cercles d’histoire, d’archéologie et de folklore du Hainaut. Bulletin d’information trimestriel, 34e année, n° 126, mai 2009, pp. 1-3 ; Idem, « Un décret sur la reconnaissance et le subventionnement des Cercles d’Histoire ? », Patrimoine Industriel Wallonie-Bruxelles asbl. Newsletter, n° 5, mars 2009 ; n° 6, avril 2009 ; n° 9, octobre 2009 ; Idem, « En route vers un éventuel décret portant reconnaissance et subventionnement des cercles d’histoire en Communauté française Wallonie-Bruxelles ? », La Vie des Associations, dans La Lettre du Patrimoine, n° 16, octobre-novembre-décembre 2009, p. 10