Actualités - La newsletter de PIWB choisie comme support fictif de travail de fin d’études - Reconversion et évocation sur le site du charbonnage de Beaulieu
Publié le 1 octobre 2011Par Gwénaëlle Rasseneur.
Etudiante en seconde année en Master complémentaire en Conservation et Restauration du Patrimoine culturel immobilier, il m’était demandé de rédiger un travail de fin d’études. Celui-ci devait avoir pour sujet principal un monument ancien, choisi par l’élève, et le but était d’en réaliser une étude complète en développant l’analyse architecturale pour aboutir à l’esquisse d’un projet de restauration.
Mon choix s’est orienté vers le site charbonnier de Beaulieu à Havré dont la connaissance préalable des lieux a généré un rapport affectif. Ce choix correspond aussi à une préférence pour un patrimoine industriel et récent.
Vu les potentialités du site à accueillir de nouvelles activités, j’ai décidé de traiter le thème de la reconversion architecturale consistant à modifier la fonction d’origine et offrir une nouvelle fonction à l’édifice qui est réutilisé tout en l’adaptant afin qu’il réponde aux besoins et modes de vie actuels. Cette idée relevant sans doute de ma formation d’architecte par rapport à l’approche de la reprogrammation d’un lieu.
Afin de compléter le travail, un exercice de rédaction d’article, canalisant l’idée principale de l’ouvrage, était requis. Une revue devait être choisie pour une publication potentielle. Mon bâtiment relevant du patrimoine industriel, j’ai donc opté pour la newsletter du PIWB comme support fictif de publication.
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Pourquoi reconvertir ?
On constate qu’en fonction de l’histoire des sites et de leurs traces matérielles, il existe trois grandes approches : soit tout conserver en mettant les vestiges « sous cloche », soit démolir l’ensemble et reconstruire autre chose au même emplacement, soit l’entre-deux consistant à se trouver à mi-chemin entre les deux premières options.
Implantation actuelle © Portail cartographique de la Région Wallonne
La première tendance a pour effet d’engendrer un patrimoine à l’arrêt.
En effet, quand un site est, en fonction de son statut juridique, culturel ou d’usage, en soustraction par rapport au reste du territoire, est comme « sous cloche » dans une vitrine de musée, il s’agit d’un patrimoine à l’arrêt dans son développement.
Ce qui importe c’est d’avoir ce patrimoine à ce moment-là de son état et la démarche est de le figer comme tel parce que c’est dans cet état-là qu’il est le plus signifiant.
Par exemple, les ruines de l’Abbaye de Villers-la-Ville, assimilées à un parc archéologique, correspondent à une situation où le site est coupé du restant du territoire dans des logiques de développement et d’usage afin de conserver la possibilité d’étudier et de contempler quelque chose qui témoigne pleinement d’une autre époque.
La deuxième tendance est adoptée lorsque la vétusté des bâtiments est telle qu’une restauration n’est pas envisageable et qu’il est dès lors impossible de les préserver. La démolition est alors préconisée suivie d’une réaffectation du site nettoyé ce qui fut le cas pour l’Usine n°1du site Henricot de Court-Saint-Etienne démolie pour laisser place à des logements et commerces.
Force est de constater qu’au plus le patrimoine relève d’une époque lointaine, au plus la tendance est de vouloir le protéger, voire le surprotéger.
Inversement, au plus le patrimoine est abondant et au plus il appartient à une époque récente, au moins ce sentiment est présent et la tendance est de prolonger la vie de ce patrimoine parce que le laisser en tant que ruine d’archéologie n’a sans doute pas beaucoup de sens et que, parfois, la faiblesse relative des valeurs culturelles appelle à un contrepoids qui est celui du projet qui va réactualiser l’attente que la société peut avoir par rapport à ces bâtiments.
C’est ce qui caractérise la situation de l’entre-deux et notamment l’opération de reconversion. Le rôle de l’architecte de la reconversion est d’anticiper une situation qui sera en tirant parti de l’objet plutôt que le remplacer et en faire quelque chose parce qu’il mérite un nouveau regard.
Le site aujourd’hui
Depuis sa fermeture le 31 janvier 1961 et l’opération d’assainissement qui a suivi, le charbonnage de Beaulieu ne se résume plus qu’à deux bâtiments correspondant pour l’un aux anciens bureaux, bains douches et lampisterie, et, pour l’autre aux magasins et ateliers.
Vue depuis l’entrée du site. Photo G. Rasseneur
L’étude globale, depuis les recherches historiques aux descriptions des façades et de la spatialité interne, en passant par l’analyse d’édifices industriels déjà reconvertis et l’évaluation des valeurs patrimoniales du site, permet de révéler les potentialités des deux bâtiments subsistants. Leur bon état général, leur implantation dans un cadre rural tout en étant à proximité de Mons et du réseau autoroutier constituent des atouts particulièrement favorables à l’installation d’une fonction à caractère résidentielle ou économique.
De plus, ces bâtiments présentent des espaces amples, modulables, au dépouillement décoratif et de structure peu contraignante, et n’encouragent pas telle ou telle reconversion. C’est pourquoi, j’ai envisagé plusieurs pistes dans mon travail, de la reconversion en logements, en bureaux ou encore en commerces.
Données historiques à l’origine du projet
Dans le cadre d’un projet de reconversion, l’étude globale ne peut faire l’économie d’une analyse à plus grande échelle que la parcelle du site étudié. Il est essentiel de prendre en compte l’environnement paysager l’entourant, l’aspect du patrimoine naturel étant aussi important comme tremplin de la démarche.
La reconversion des deux bâtiments devient alors un prétexte pour redynamiser ce qu’il y a autour.
En se basant sur les plans anciens, on remarque que l’implantation historique est articulée autour d’un chemin de liaison fonctionnel par rapport au triage, au terril, etc. Cette structuration de départ n’existe plus aujourd’hui.
Le bâtiment des bureaux, bains-douches et lampisterie. Photo G. Rasseneur
Il serait intéressant de retrouver une signification à cet axe disparu et une logique de fonctionnement à partir de cette donnée historique qui donnerait du sens au nouveau projet. La démarche serait de recréer cet axe et d’en faire un élément de circulation et de liaison au sein du site.
Et, par rapport au patrimoine, le lieu a été mutilé et il ne reste que deux bâtiments sur le site mais il serait pertinent d’évoquer les édifices absents (puits n°1 et n°2, salles des machines, triage, etc.) par une trace au sol ou encore des implantations paysagères en massifs qui rendraient visuellement et spatialement une lecture-mémoire de ce qui a disparu.
Un site mutilé au service d’un parcours paysager et didactique
En prenant en compte les informations historiques citées précédemment, j’ai imaginé un aménagement complet du site sous la forme d’un schéma territorial.
Cet aménagement schématique repose sur la création, au sein du site et au-delà des deux édifices reconvertis, d’une grande zone collective dans l'esprit d'un jardin public.
L’idée générale est basée sur un « parcours-promenade » dans le site avec comme élément fondateur la création d’une passerelle piétonne. L’accès à cette nouvelle passerelle est installé de telle sorte qu’il marque et symbolise la position de l’ancien puits N°1. Ce dispositif de circulation haute permet d’offrir des vues sur les traces au sol et les massifs végétaux évoquant les installations disparues, sur les bâtiments reconvertis et le paysage environnant embrassant un aspect global du site.
Le bâtiment des magasins et ateliers. Photo G. Rasseneur
La nouvelle passerelle piétonne, en plus de permettre la promenade, restitue la liaison visuelle et fonctionnelle qui existait jusqu’au terril sous la forme d’une épine dorsale qui s’immisce dans la végétation existante. L’ensemble aménagé apparaitrait ainsi comme une sorte de « parc évocatif » relatant l’histoire du lieu.
Afin d’animer la démarche, la passerelle inclut des élargissements permettant d’installer des promontoires avec tables explicatives amenant un aspect didactique à l’intervention.
Cette promenade qualifiée de « circulation haute », aboutit au terril aménagé et ré exploité en tant que lieu d’agrément. Deux cheminements périphériques y sont créés, l’un permet d’atteindre le sommet du terril, l’autre de redescendre et de revenir par le sentier existant qualifié de « circulation basse » débouchant sur la drève du Château de Beaulieu, perspective paysagère intéressante et marquante des environs.
L’ensemble de la promenade traduit ainsi l’idée du parcours bouclé suivant plusieurs étapes; arrivée au charbonnage, accès haut à l’emplacement de l’ancien puits n°1, parcours sur la passerelle « circulation haute », arrêt sur le terril, retour par le sentier « circulation basse » suivi du passage le long de la drève du château de Beaulieu, et retour au point de départ.
Charbonnage de Beaulieu. Plan de surface, 20 avril 1946. © Ecomusée du Bois-du-Luc
La démarche induit donc la création de nouveaux espaces publics conçus à partir de l'histoire du lieu, les bâtiments absents devenant un prétexte à la création.
Il y a une vie après le charbonnage !
En choisissant le charbonnage de Beaulieu comme sujet principal de mon travail, j’ai voulu démontrer qu’il était possible de redonner vie à un lieu qui peut paraître à priori « banal », ne présentant pas de grands décors peints, de beaux éléments sculptés, mais qui fait néanmoins partie de notre patrimoine.
Le charbonnage de Beaulieu n’est sûrement pas le plus emblématique, le plus représentatif, le plus didactique des charbonnages. Mais, son implantation, sa facilité d’accès, sa structure saine et la configuration des espaces qu’il offre font qu’il mérite une prise en compte à l’aide d’un projet de reconversion permettant « plus de liberté » d’intervention et donc un éventail de fonctions possibles par rapport à d’autres charbonnages qui, soit par leurs qualités historique, didactique, esthétique,… se retrouvent trop souvent cloisonnés dans une destination muséale ne répondant pas forcément à la demande et aux besoins locaux.
La démarche s’oppose ici à la sacralisation de l’œuvre qui garantirait un anéantissement de l’idéal du progrès, de la modernité.
Il est nécessaire de réfléchir en termes social et de pratique habitante afin de perpétuer le patrimoine pour la vie des gens. Ne pas avoir une approche contemplative du patrimoine mais, au contraire, encourager un savoir-habiter, un savoir-vivre ensemble à partir du patrimoine.
Au final, l’important c’est l’occupation des lieux.
Schéma territorial. G. Rasseneur
Informations complémentaires
Pour plus de précisions, consultez mon travail de fin d’études intitulé « Le charbonnage de Beaulieu à Havré : un site, une reconversion ? » disponible au Centre d'information et de documentation (CID) du Centre des métiers du patrimoine de la Paix-Dieu.
Adresse : Rue Paix-Dieu, 1b à B-4540 Amay (Belgique) - Téléphone : 085 410 350