A l’occasion de ses 30 ans, PIWB s’est offert une « feuille de route » en matière de sauvegarde du patrimoine industriel et social dont, en particulier, celui de l’industrie sidérurgique du siècle dernier. Un patrimoine à constituer ou à perdre ...
La journée d’étude organisée le 6 juin dernier à l’initiative de l’asbl et de l’Institut du patrimoine wallon a, en effet, permis de dégager des priorités et identifier des critères de sélection pour que les éléments les plus représentatifs de cette industrie lourde soient protégés, restaurés et réaffectés. Des exemples réussis ou en cours de sauvegarde et de réaffectation dans des régions limitrophes (Hattingen dans la Ruhr, le Fonds Belval au Grand-DucheĢ de Luxembourg et Ukange en Lorraine) ont fait l’objet de présentations remarquables. Un chemin que pourrait emprunter la Wallonie, riche d’un patrimoine industriel et social du 20e siècle. |
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Mémorandum pour la sauvegarde de témoins de l’industrie lourde du 20e siècle
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Trente ans ! Un bel anniversaire pour PIWB ! L’âge d’une maturité certaine ! Le sauvetage du patrimoine industriel en a vu de toutes les couleurs: vives avec des réussites exemplaires, comme la réaffectation des Moulins de Beez, de manufactures lainières à Verviers, de Tour et Taxis à Bruxelles ou l’inscription au Patrimoine mondial des quatre Sites miniers majeurs wallons ; ou sombres avec la perte de témoins emblématiques comme les usines textiles à Mouscron, la tour Piedboeuf à Jupille, les anciennes poêleries Godin à Laeken…et de bien des charbonnages et des verreries remarquables. Nous nous attachons aujourd’hui au patrimoine de l’industrie lourde du 20e siècle où nombre de nos parents sont entrés à 14 ans pour en ressortir quelques dizaines d’années plus tard… Ces hommes qui, jour et nuit, ont pris à cœur de travailler, transpirer, produire ensemble… Quel plus bel exemple de vie sociale ! C’est pourquoi, il est indispensable de conserver ces témoins du passé pour que cette solidarité ne se perde pas tout à fait ! N’oublions pas que cette industrie lourde fit rayonner la Wallonie en Europe et dans le monde entier. Nous pouvons, nous devons en être fiers. Peut-être ne possède-t-elle pas l'intérêt du patrimoine des pionniers de l'industrie du 19e siècle ? Mais, elle met en exergue la continuité du travail et le renouvellement constant des techniques indissociable du progrès industriel. L’industrie lourde, élément majeur de notre histoire contemporaine, fut la clé de voûte de tout un système de valeurs, économiques, sociales et culturelles. Son patrimoine est aussi le témoin de tant de progrès, de souffrances, de luttes pour un avenir meilleur. A l'heure de l'immédiateté, de l'oubli facile, il doit demeurer des traces significatives, au même titre que tout autre patrimoine. |
II s'agit de maintenir des balises à la mémoire des générations présentes et futures par la préservation d’empreintes physiques tangibles. Il est impensable que soit biffée la dimension industrielle qui a tant conditionné notre histoire. Grâce à la mise en valeur de ces témoins, nous pourrons transmettre cette fierté pour aller de l’avant vers de nouveaux projets économiques pour la Wallonie. Alors que nos voisins les recensent et les entretiennent consciencieusement, les cheminées d’usine tombent les unes après les autres, parfois sous le prétexte discutable de danger d'écroulement « spontané ». Parmi tant d’autres, ont disparu celles des Laminoirs de Jemappes (en claveaux de béton, une spécialité belge), du charbonnage Vedette à Boussu, d’Intermills à Malmédy, tout dernièrement celle de Cuivre et Zinc à Chênée. Arrêtons le massacre de ces cheminées d’usine. Portons une attention particulière à leur sort !
Photo Yvonne Mazurel
A la suite de l’industrie charbonnière, la sidérurgie a influencé fortement l’histoire de la Wallonie et a marqué profondément son paysage. Aujourd’hui, avec la disparition presque certaine de la phase à chaud, c’est de ce patrimoine et plus particulièrement des hauts fourneaux qu’il faut se préoccuper. Que serait la Wallonie sans l’empreinte de la filière acier, sans le savoir-faire de générations d’ouvriers, et leurs conditions de travail particulièrement pénibles et dangereuses ? La mémoire de cette épopée des métallos est encore vivante dans beaucoup de familles wallonnes et doit être préservée pour nos enfants! Le haut fourneau était l’outil fétiche du sidérurgiste. Il excitait les imaginations et a façonné notre paysage : pour preuve, les nombreux surnoms trouvés pour le désigner la bête, le monstre, le titan ou encore le mastodonte. En 1960, la Wallonie comptait 57 hauts fourneaux presque tous disparus. Aujourd’hui, il en reste 4 : 2 à l’arrêt à Liège (l’un dont le démantèlement est déjà programmé), 1 à l’abandon à Clabecq et 1 en danger à Charleroi. Comme les clochers d’église, comme les beffrois des hôtels de ville, ou comme les chevalements de nos mines, rythmant la ligne d’horizon, ces monuments industriels se dressaient dans le ciel comme des points de repère auxquels la population des bassins sidérurgiques s’identifiait fortement. Voir aujourd’hui disparaître tout haut fourneau du paysage wallon, ce serait perdre une partie de l’âme de notre région.
Les hauts fourneaux peuvent être valorisés moyennant : D’autres bassins industriels ont montré l’exemple en préservant un ou plusieurs hauts fourneaux : Duisburg et Hattingen dans la Ruhr, Esch-sur-Alzette dans le Grand Duché ; ou Uckange en Lorraine. Ce qui est possible à l’étranger l’est aussi chez nous ! Soyons ambitieux ! Pourquoi ne pas imaginer une candidature commune de ces sites allemands, luxembourgeois, français… et belges à une inscription en série sur la Liste du Patrimoine mondial. Rappelons-nous que, il y a quelques décennies, les charbonnages du Grand Hornu, de Bois-du-Luc, du Bois du Cazier ou de Blegny étaient appelés à disparaître ! L’enjeu du patrimoine de l’industrie lourde du 20e siècle est de taille et il concerne toute la Wallonie. Il doit se trouver au centre d’une dynamique volontaire de développement et de revitalisation des « anciens » centres industriels qui seraient, à la fois, urbaine, économique, culturelle et touristique.
Ce fut l’objet du colloque « Que garder du patrimoine de l’industrie lourde du 20e siècle ? » que PIWB a organisé le 6 juin 2014 aux Moulins de Beez en partenariat avec l’Institut du Patrimoine wallon. Nous nous référons également au rapport sur « Le patrimoine industriel en Europe » adopté le 8 mars 2013 par la Commission permanente du Conseil de l’Europe ainsi qu’au « Mémorandum 2014-2020 » du Département du patrimoine (DGO4) du SPW. Pour le patrimoine :
- Déclarer 2015 « Année européenne du Patrimoine industriel et technique » comme le souhaite la Commission permanente du Conseil de l’Europe. Pour le patrimoine industriel :
- Créer une instance de concertation entre la SPAQuE, l’Institut du Patrimoine wallon et l’administration régionale pour plus de transversalité dans leur travail respectif de protection et de mise en valeur du patrimoine industriel. Pour le patrimoine sidérurgique :
- Mettre en place le plus tôt possible une commission de travail sur l’ensemble du patrimoine sidérurgique, au vu de la rapidité avec laquelle ses éléments disparaissent du paysage. Cette commission composée d’architectes, de paysagistes, d’historiens, de spécialistes du patrimoine industriel et d’acteurs engagés devra tenir compte des éléments mentionnés ci-dessous.
Marcinelle, le 12 juin 2014 |