Actualités - La construction de l'Atomium: un fameux défi

Publié le 10 janvier 2010

Par Bruno Van Mol,

L'Atomium, situé sur ce qu'on nomme le Plateau du Heysel à Bruxelles, a été construit pour l'Exposition universelle de 1958. Restauré et inauguré en 2006, il est resté le symbole du développement important de ce coin de Bruxelles et de l'importance de cet événement international pour la Belgique. L'année dernière furent célébrés par de nombreuses manifestations les 50 ans de l'Expo 58. Bruno Van Mol a retrouvé dans la revue mensuelle ACIER-STAHL-STEEL des articles traitant de la construction de ce bâtiment et souhaite vous les faire (re)découvrir. Plusieurs parties ont été extraites. En voici le premier résumé.

 

Description générale de l’ouvrage

Ainsi que l’on sait, l’Atomium a été conçu en vue de la participation à l’Exposition de Bruxelles de 1958, par M. A. Waterkeyn, Ingénieur, Directeur du Département Economique de Fabrimétal, Groupement des Hauts Fourneaux et Aciéries, de la Fédération des Entreprises de l’Industrie des Fabrications Métalliques et du Groupement des Métaux non Ferreux.

L’idée de M. Waterkeyn a été de réaliser une construction symbolisant la structure interne de la matière, et plus spécialement celle des métaux, par un gigantesque modèle d’un cristal de fer dont la forme appartient au système cubique centré et comporte neuf atomes disposés au huit sommets et au centre d’un cube.

L’expression architecturale de la construction a été étudiée par les Architectes de l’Atomium, MM. A. et J. Polak, à la demande de M. Waterkeyn, qui, parmi différentes solutions possibles, a adopté celle consistant à placer le cube sur un de ses sommets, une des diagonales se trouvant en position verticale.

En ce qui concerne l’équilibre général de l’ouvrage, M. Waterkeyn adopta le principe de trois éléments spéciaux (bipodes) supportant les trois sphères inférieures.

La forme générale de l’ouvrage s’apparente par ailleurs à celle des maquettes de cristaux telles qu’on peut les voir dans les laboratoires de minéralogie: les arêtes et les diagonales du cube sont matérialisées par des tubes et les neuf atomes sont représentés par des sphères.

Les dimensions de la construction ont été choisies de façon à obtenir un ensemble monumental, sans tomber dans des excès entraînant des complications superflues de réalisation tout en assurant cependant des espaces utiles suffisants pour permettre une exploitation rationnelle. C’est ainsi que l’on adopta 47 m comme longueur d’une arête du cube et 18 m comme diamètre des sphères. Le diamètre des tubes constituant les arêtes fut fixé à 3 m et celui des diagonales à 3,30 m.

Extrait de l’étude de la stabilité de l’Atomium par André Beckers, Ingénieur A. I. Br., Président de «La Construction Soudée » S. A., et Artémy S. Joukoff Ingénieur A. I. Br., Directeur du Service Technique de «La Construction Soudée» S. A., Ingénieurs-Conseils de l’Atomium publié dans la même revue mensuelle ACIER-STAHL-STEEL, pp. 303 à 311.

Montage

Le montage de l’Atomium, symbole de l’acier - ouvrage hors série - a été confié aux Ateliers de Construction de Jambes-Namur. Pendant l’étude de la réalisation de cet ouvrage gigantesque et de conception originale et inédite, la Direction et le personnel n’ont reculé devant aucune difficulté économique et surtout technique.

Soulignons tout de suite qu’au cours de ce montage, aucun accident, ni matériel, ni humain, ne s’est produit malgré les multiples dangers que le personnel de montage a dû affronter du fait que la plus grande partie de l’Atomium fut montée durant les mois d’hiver, ce qui augmentait les dangers d’accidents.

Pour faciliter la lecture de cet article, rappelons que :

- la sphère de base est désignée par la lettre B ;

- la sphère centrale, par la lettre C ;

- la sphère supérieure par la lettre S ;

- les sphères inférieures sont repérées par la lettre I ;

- les sphères moyennes, suspendues sont repérées par la lettre M ;

- les tubes reliant les différentes sphères sont appelées IC, IM, MS, etc., suivant qu’ils relient les sphères I et C, ou I et M, etc.

 

  1. Montage du mât central et des sphères de base B, centrale C et supérieure S

Le montage de l’Atomium a commencé par l’implantation du tronçon inférieur du mât central.

Ce tronçon, ainsi que ceux qui se trouvent en dessous du niveau 35 m, ont été hissés à l’aide d’un mât de 50 m de hauteur, muni d’une flèche de 45 m.

Le tronçon le plus lourd pesait 45 t (18 m de longueur).

Les éléments composant la sphère de base ont été également hissés à l’aide de cet engin.

Pour mettre en place les tronçons qui se trouvent au-dessus du niveau 35 m, un portique a été construit. Il avait une hauteur de 18 m.

Ce portique s’appuyait sur deux consoles fixées sur le tronçon du mât central déjà monté et était haubané à sa partie supérieure pour raison de stabilité d’une part et pour pouvoir être incliné vers la charge pendant le hissage de celle-ci, de façon à éviter la partie inférieure du mât montée précédemment, d’autre part.

Après le montage du tronçon hissé de cette façon, une seconde paire de consoles a été fixée sur ce tronçon pour pouvoir fixer le portique pour l’opération suivante, identique à la première et ainsi de suite.

Le déplacement du portique se faisait à l’aide des poulies judicieusement placées et fixées sur le mât de l’Atomium.

Les éléments de la sphère centrale C ont été également montés à l’aide de ce portique.

Quant à la sphère supérieure, toutes les pièces entrant dans la construction de cette sphère ont été hissées à l’aide d’un mât pyramide et d’une flèche établis au-dessus du mât central de l’Atomium.

Ce mât et cette flèche nous ont rendu d’ailleurs de grands services pour le hissage des tubes liaisonnant les différentes sphères.

 

  1. Montage des bipodes, de l’infrastructure des sphères I et des tubes I-B

Les bipodes ont été hissés à l’aide de deux mâts de 50 m de hauteur légèrement inclinés sur la verticale vers la charge.

Remarquons que chaque bipode dont le poids est de 115 t a été assemblé à terre et levé d’une pièce. Chaque béquille du bipode a été munie d’une attache puissante étudiée à cet effet et qui se trouvait légèrement au-dessus du centre de gravité de l’ensemble du bipode.

Les pieds du bipode ont été posés sur des chariots pour permettre le déplacement facile de ces pieds au fur et à mesure de l’opération de hissage, qui n’a duré qu’une heure trente minutes environ pour chaque bipode.

Pour le hissage des bipodes on a utilisé deux treuils électriques de 10 t.

Afin d’utiliser les mêmes mâts pour le montage des autres bipodes, on a libéré chaque bipode de ces mâts en l’appuyant préalablement sur le support incliné.

Immédiatement après cette opération, on a monté l’infrastructure de la sphère I à l’aide du mât de 50 m et de la flèche de 45 m dont il est question au début de cet article.

Le même mât et la même flèche nous ont servi également pour le hissage des tubes IB en les prenant en leur milieu par un sabot fixé au dos de chaque tube.

Toutes ces opérations ont été effectuées trois fois.

 

  1. Montage des sphères I

Pour le hissage des éléments composant ces sphères, l’emploi d’un mât et d’une flèche établis sur l’infrastructure des sphères I s’est avéré nécessaire.

Ce montage ne présenta aucune difficulté spéciale.

 

  1. Montage des tubes IC

Pour le montage de ces tubes, on s’est servi d’un mât et de la flèche établis sur la sphère I d’une part et du mât et de la flèche placés au sommet du mât central de l’Atomium d’autre part.

En vue de gagner du temps, on a établi simultanément sur chaque sphère I une installation identique.

Le poids de chaque tube est de 25 t.

 

  1. Montage des sphères M et des tubes MI, MC et MS

Pour une question de stabilité de l’ensemble de l’Atomium pendant le montage de ces éléments, il a été nécessaire d’établir sous chaque sphère M un support provisoire pouvant supporter toute la charge due au poids propre de la sphère et des tubes y aboutissant jusqu’à l’achèvement complet de l’Atomium.

La charge totale appliquée au sommet de chaque support était de 150 t.

La hauteur sous la sphère M est de 60 m environ.

Tous les éléments des sphères M ainsi que les tubes MI ont été hissés à l’aide de la flèche de 45 m de longueur dont le pied a été établi sur une couronne circulaire prévue à cet effet et fixée immédiatement au-dessus de la sphère centrale de l’Atomium.

Cette couronne avait pour but également de raidir transversalement le mât de l’Atomium qui ne pouvait pas résister localement aux réactions au pied de la flèche. Pendant le montage, la tête de la flèche a été attachée au sommet du mât central de l’Atomium par, l’intermédiaire d’un mouflage.

Etant donné que cette flèche avait pour but de servir au montage de trois sphères et plusieurs tubes (MI, MC et MS), la possibilité de faire tourner la flèche autour du mât central a été étudiée et réalisée.

Le montage de ces sphères a été effectué dans l’ordre suivant :

a) Le mât inférieur de la sphère ;

b) Le noyau central (cube de 4 m de côté) dont le poids est de 17 t ;

c) Le mât supérieur de la sphère ;

d) Les douze arcs de la sphère ;

e) Le tube MC ;

f) Le tube MS ;

g) Les pannes de la sphère.

Signalons en passant que les abouts des tubes ont été prévus uniquement pour faciliter les assemblages entre les tubes et les sphères.

Remarquons que pendant le montage, le mât inférieur de la sphère M a été sollicité plus fortement que pendant l’exploitation de l’Atomium.

C’est la raison pour laquelle les efforts de traction bien déterminés ont dû être réalisés dans les haubans attachés à la tête du support et dirigés vers le centre des sphères I.

Ces efforts ont été contrôlés par les dynamomètres et ont dû être introduits avant l’exécution des joints définitifs entre les abouts des tubes et les tubes eux-mêmes.

Pour le montage des tubes MC et MS, on a utilisé la flèche de 45 m et la pyramide. Le tube MS a été hissé après le levage du tube MC.

Etant donné que ces deux tubes se trouvent dans le même plan vertical, un dispositif spécial a été appliqué pour tirer latéralement sur le tube MS lors du hissage de celui-ci.

Pendant le montage en porte à faux (tubes MI, MC, MS, etc.) la flexion du mât central était incompatible avec la sécurité de la construction.

Le haubanage de celui-ci était donc indispensable.

Remarquons qu’étant donné la grande rigidité du mât par rapport à celle des haubans, il fut nécessaire d’introduire les efforts dans ces derniers, côté opposé à la charge, au fur et à mesure de l’application de celle-ci qui, à cet effet, a été appliquée progressivement.

La flexion du mât a été contrôlée par le théodolite à tout moment.

L’introduction des efforts dans les haubans se faisait à l’aide des treuils et était contrôlée à l’aide d’un dynamomètre.

 

  1. Enlèvement des supports sous les sphères M

Pour éviter toute possibilité de charge dissymétrique, l’enlèvement des trois supports a dû se faire simultanément.

Pour cette opération, on a placé un vérin de 200 t au pied de chaque support.

Avant de commencer l’opération de descente, on a établi le contact entre les vérins et la partie inférieure de chaque stip, puis on a enlevé les calages qui ont été prévus entre les châssis supportant les vérins et les supports eux-mêmes.

Pendant l’opération de descente, la charge sur chaque vérin a été mesurée par les manomètres dont chacun des vérins a été muni. En même temps, les déplacements vers le bas de chaque stip ont été mesurés par une lecture directe à l’aide d’une échelle graduée.

Cette dernière opération a été menée à bien sans provoquer le moindre ennui technique.

 

  1. Matériel de montage

Il va de soi que le montage de l’Atomium a exigé l’emploi d’un matériel très important et abondant.

On a utilisé, en effet, pour la réalisation de ce montage, douze treuils électriques de 10,5 t et 3 t, plus de quarante treuils à main de 3 t chacun, des moufles de 50, 20 et 10 t, un grand nombre de poulies, trois mâts de 50 m, une flèche de 45 m, quatre mâts munis de flèches pouvant hisser des charges de 15 à 20 t, 43 km de câbles d’acier de 180 kg/mm2 de résistance.

L’étude du montage a nécessité l’exécution de cinquante-neuf plans et l’occupation d’une équipe de dessinateurs pendant un an et demi.

Extrait condensé de l’article de A. Zakhanevitch, Ingénieur de Recherches et Développement aux Ateliers de Construction Jambes-Namur, publié dans la revue mensuelle ACIER-STAHL-STEEL 23e année, n°7-8 juillet-août 1958, pp. 319 à 323.

 

 

www.atomium.be